Une plaie récurrente

 

Par Aïssa Baccouche

 

PAD, PAU, PLU, SDU, ZAC, ZAD sont autant d’acronymes qui parsèment le langage des urbanistes. Ils sont relatifs à l’aménagement urbain et notamment sa forme élaborée : le plan.

Si en économie, un plan comme l’énonçait l’économiste français Pierre Massé (1898-1987) est un réducteur d’incertitudes, en urbanisme, il s’agit plutôt d’un conducteur de rectitudes.

Il n’y a point d’aléas de la production ni des échanges.

Il y a essentiellement la délimitation de zones ventilées selon les usages et dans chaque zone l’établissement de normes, de règlements, de grilles d’équipement et de cahiers de charges.

Le plan d’aménagement est une projection de la ville en devenir. C’est en théorie du moins l’un deux aiguillons dont dispose un conseil municipal pour bien gérer sa ville, l’autre étant bien entendu, le budget.

Or il s’avère qu’en pratique ces instruments sont rebutants. Quand bien même il a été studieusement préparé puis voté en session, le budget est soumis à la mansuétude des autorités de tutelle. Quand on sait que le taux de recouvrement des recettes n’atteint souvent que le quart de ce qui est prévu, l’on comprend le désarroi des édiles devant les attentes de leurs administrés.

Quand au plan d’aménagement, c’est une tout autre affaire. La principale tare-oserions-nous dire congénitale de ce plan est que son application est extrêmement laborieuse. Les procédures sont tellement lentes qu’un plan n’est jamais approuvé qu’après plusieurs années après son élaboration.

Cette constation vaut par exemple pour la ville de l’Ariana et qui constitue, à mon corps défendant, un cas d’école.

Le premier plan d’aménagement de la ville fut en effet ébauché en 1975 c’est-à-dire dans la foulée du plan régional du grand-Tunis établi par le district et qui devait, entre autres défis, relever celui de la maîtrise de l’expansion urbaine en limitant l’urbanisation à l’intérieur d’un périmètre bien défini avec des lignes rouges dont celle de la future route nationale GP8 c’est-à-dire en déca des deux villes champignons la Soukra et Raoued.

Une coulée verte était programmée pour ceinturer l’Ariana, allant du Belvédère jusqu’au Mont d’Ennahli.

On sait ce qu’il en advint.

Plus tard, en 1981 quand l’AFH lorgnait du côté de Kerch El Ghaba, le même district opposa son véto à l’émergence des Menzah 10 et 11 que j’eus l’outrecuidance de renommer Ennasr.

C’est de l’histoire, me diriez-vous mais l’on ne peut comprendre la géographie urbaine que si l’on en remémore les tenants et les aboutissants.

Notre primo plan ne fut adopté qu’en 1981 dans des conditions pathétiques.

Dès sa présentation devant le conseil municipal lors d’une session plénière tenue le 26 Juin 1980 le plan fut l’objet d’un tir nourri de critiques dont la plus incisive était précisément que ce plan d’aménagement n’en était pas un. Tout au plus, remarqua le conseil unanime, pouvait-il être qualifié de plan de régularisation.

Constatant l’absence de projet urbain ainsi que le manque flagrant d’harmonisation entre les composantes déjà urbanisées de la ville, le conseil finit par rejeter le en bloc.

Ce qui allait constituer une première dans les rapports entre une collectivité locale et les autorités de tutelle. Voulant transcender ce casus-belli le ministre en charge de l’équipement feu Mohamed Sayah, un homme politique chevronné, me demandé de faire approuver le plan en l’état, avec la promesse ferme-parole de ministre-, de le faire réviser selon les désirata de la commune dans les brefs délais.

En conséquence de quoi, le conseil adopta le plan lors de sa plénière tenue le 30 novembre 1981. La révision pouvait alors attendre quelques,… treize ans.

Par-delà le cas de la ville dont, il y a déjà quarante ans, j’eus l’insigne honneur d’administrer, se pose encore avec accuté la problématique de ce fondement d’une bonne gouvernance qu’est le P.L.U.

Quoi faire pour refermer cette plaie récurrente ? Que faire pour donner un sens aux lieux qu’on habite ?

Il faut nécessairement confier cette entreprise urbanistique aux hommes – et aux femmes – de l’art. il s’agit tout bonnement des urbanistes dont notre pays compte un nombre satisfaisant depuis la création d’un institut spécialisé – l’ISTEUB –.

Mais, hélas, ils/elles ne sont pas utilisés à bon escient c’est-à-dire au service des communes.

Certains se sont expatriés ; d’autres se sont engagés dans des organisations internationales. Une association – L’ATU – créée il y a quarante ans, entre autres, par le regretté Morched Chebbi veille à l’habilitation de cette passionnante profession tant il est vrai que la ville n’est pas seulement un problème de vocabulaire et de grammaire architecturale.

C’est un lieu de vie. C’est même le réceptacle de la vie. « La ville déclara un jour Christian de Portzamparc, lauréat en 1994 du prix Pritzken, n’étant plus cette pate que l’on peut transformer à sa guise, il faut tout en introduisant une part de rêve, rendre l’espace heureux ».

 

 

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