Par Mohamed ben Naceur
Consciente des enjeux et des défis de l’économie tunisienne, la Banque centrale de Tunisie (BCT) ne veut pas prendre de risque. La BCT a encore maintenu la semaine dernière son taux d’intérêt directeur au même niveau de 8%, et cela depuis janvier 2023, soit presque 20 mois. C’est un peu trop prudent car ce n’est pas avec un tel niveau de taux d’intérêt qu’on puisse espérer une reprise économique.
La BCT est bien convaincue que cette décision demeure très insuffisante face à la gravité de la crise et surtout en l’absence d’autres réformes économiques. Mais des signes inflationnistes peuvent avoir comme origine une dépréciation plus importante du dinar sont présents. D’ailleurs, la BCT s’est déclarée profondément préoccupée par le niveau élevé de l’inflation bien qu’elle soit en légère baisse. La BCT ne cesse d’appeler à des réformes économiques dans les plus brefs délais pour restaurer la croissance économique afin d’assurer la stabilité macroéconomique et la viabilité de la dette publique. Rappelons que l’inflation a atteint 7,3% en juin 2024.
Entre les lignes du communiqué de la BCT, on comprend qu’elle ne veut pas assumer toute seule l’échec du Gouvernement qui pourrait se métamorphoser en crise sociale plus profonde. Les taux d’intérêt réels sont passés en zone positive mais les opérateurs vont continuer à cumuler des devises plutôt que de garder des dinars dont la valeur baisse de jour en jour. Baisser le taux d’intérêt aurait pu soulager, même légèrement, les charges financières des agents économiques.
L’économie tunisienne a besoin de stimulus monétaire et budgétaire. Malheureusement, face à une crise économique inquiétante, la BCT ne peut que mener une politique monétaire restrictive. Du côté budgétaire, l’incapacité de mobiliser des fonds exigera des coupes budgétaires défavorisant la croissance. De ce point de vue, il est urgent de trouver des alternatives audacieuses et innovantes pour relancer une économie à genoux. Ce n’est plus un mythe mais désormais une triste réalité. La crise économique a presque atteint un sommet et la Tunisie rencontre de grandes difficultés à honorer ses engagements.
En effet, les conséquences de la crise économique sont ressenties au quotidien par les citoyens du fait que le pays n’est plus en mesure de garantir un service public non pas de qualité mais de base.
Plus les jours passent, plus la situation se complique. L’objectif n’est pas de semer la panique, loin de là, mais plutôt de tirer la sonnette d’alarme sur cette dure réalité. La BCT semble assumer une part de responsabilité mais c’est plutôt au Gouvernement et plus particulièrement aux chargés des dossiers économiques d’assumer leur pleine responsabilité. Les prochains mois seront certes très difficiles et les mines sociales peuvent exploser de toutes parts. Bien qu’étant économiquement nécessaire, une baisse du taux d’intérêt pourrait soulager la situation.
Les difficultés financières et budgétaires que subit l’économie tunisienne ont contraint la Banque centrale de monétiser, d’une manière indirecte, une large partie du déficit budgétaire. Faute d’accord avec le FMI et la réticence des bailleurs de fonds, ce type de financement devrait se poursuivre dans les prochains mois et même les prochaines années. La gestion actuelle des affaires économiques ne semble pas rassurante, ni aux yeux des acteurs étrangers (bailleurs de fonds et investisseurs institutionnels), ni auprès des acteurs locaux (les investisseurs nationaux, les acteurs sociaux etc…). Cette situation d’attentisme est alarmante. Dans une telle configuration, l’inflation ne peut qu’augmenter et les tunisiens doivent s’attendre à des temps où remplir son panier devient de plus en plus cher.
Malheureusement, nous continuons à prendre du plaisir à perdre un temps précieux dans des débats inutiles alors que la pauvreté s’étend partout dans le pays avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer.
Aujourd’hui, le temps presse et nous devons surtout nous unir pour sauver une économie à la dérive. Ceci conditionne notre avenir et celui de nos enfants.