Le paysage politique a atteint un summum de confusion, qui marque dramatiquement un nouveau et très inquiétant degré dans la dégradation de la plus jeune démocratie dans le monde. Décrire l’enfer réellement existant, et donc la frivole détérioration de la morale sociale, la perversion de l’action politique, les formes démoniaques de la médiocrité, nous emmène de force vers le boulevard affreux de la mécanique des fluides haineux. On assiste à une carnavalisation de la démocratie et ses principes dont notamment les libertés et les Droits de l’Homme. Il n’est pas plus méprisant envers l’opinion publique qu’un faux démocrate jouant le pourrissement afin d’apparaître, le jour venu, comme un rempart contre la «dictature» ou qu’un extrémiste religieux reconverti dans la lutte pour les libertés. C’est une tactique misérabiliste comme une autre. Mais on est en droit de se demander si ce comportement déplorable ne débouche pas sur une fuite en avant vers la violence et l’autoritarisme et transforme la ligne de faille entre le pouvoir et l’opposition en une ligne de front. Cette situation désastreuse est propice aux conduites déraisonnables dont celles de plusieurs de nos politicards qui se sentent actuellement pousser des ailes avec la bénédiction de ces capitales «amies» qui jouent le jeu de leurs intérêts. On s’aperçoit alors que pour parvenir à leurs fins, les politiciens qui ont maille à partir avec la justice ont tendance à voir dans leur mise en cause un complot ourdi contre la démocratie et les libertés, recourant systématiquement au bluff, à la colère hystérique comme aux menaces, à la victimisation autant qu’à l’usage des fantasmes qui se nourrissent avant tout d’un passé récent où la justice savait obéir au pouvoir islamiste. C’est faire preuve, me semble-t-il, d’inconséquence, étant donné le contexte difficile dans lequel on se situe, qui est celui d’une pression forte sur le principe même de l’État de droit. Il va sans dire que l’impunité a existé, et elle a constitué pendant une décennie un régime spécial de gouvernance qui s’est manifesté dans un déplacement des limites rhétoriques de l’acceptable. Mais il faut reconnaître que ce régime est, aujourd’hui, dans l’ordre des fléaux, nuisible à la démocratie que nous devons réaliser. Voici qu’une frénésie s’installe où chaque coupable descend avec sa tribu politique pour dénoncer le «fascisme» du pouvoir, tout en se croyant lui-même immunisé parce qu’il se réclame de l’opposition. Tandis que s’efface l’acceptation de l’impunité se répand une recherche éperdue du dictateur. Ils sont tous des «démocrates» contre l’infâme «bourreau». L’ennui, c’est qu’ils manquent de bourreau, aussi passent-ils leur temps à l’inventer. Cela a causé tant de tort à la jeune et très vulnérable démocratie que même les tyrans islamistes n’auraient pas fait mieux. L’opposition «démocratique», et c’est bien trop lui demander, devient l’illusoire recours à toutes les infractions à la loi. Les luttes pour la liberté, la démocratie et les Droits de l’Homme ont ceci de cruel que les tyrans et les prédateurs de la décennie de braise, même reconvertis brusquement en faux démocrates, ne peuvent s’oublier et que leurs crimes n’échappent jamais à la justice.
Je considère, personnellement, que pour un citoyen conscient, dénoncer ces torts ne revient pas à restreindre mais bien à augmenter la marge des libertés et des droits parce que le projet de chaque vrai démocrate doit viser le seul véritable horizon civique : effacer l’image affreuse de ces politiciens «parrains» au-dessus de la loi par une citoyenneté plus haute, qui nous fait nous sentir appartenir à un État de droit. Une affirmation qu’il existe une arène : celle de la loi, où l’impunité doit s’effacer derrière la justice souveraine et le principe d’égale liberté.
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