Le théâtre politique tout au long de ces années de braise me frappe comme une tragi-comédie aux acteurs interchangeables sans talent ni éthique. Ils ne savent pas ce qu’ils font. En plus, ils le font très mal. On assiste à l’introjection de l’«inaptocratie» dans la machine «légitime» du pouvoir. C’est le degré zéro de la politique : pas d’expérience, pas de compétence, pas de style, pas de communication, pas de psychologie sociale, pas de crédibilité. Cette situation catastrophique en dit long sur le dramatique analphabétisme politique de nos politicards et fait peser une menace d’effondrement généralisé sur le pays. Je ne suis pas en train de mêler ma voix au chœur pleurnicheur de «tout sonne faux et scandaleux». Mais c’est un drôle et surréaliste de scène politique que nous vivons aujourd’hui. On va de caricature en caricature. Tous les Tunisiens ont pu observer, par exemple, que la plupart des responsables de l’économie tunisienne qui se sont succédé depuis 2011 ne savent pas que la création de monnaie par le crédit est le cancer qui ronge les économies de marché et de propriété. Comment peuvent-ils proposer des solutions efficaces alors qu’ils ont oublié le programme de la première année économie ? Depuis lors, la liste de leurs impostures, de leurs bévues et de leurs échecs n’a cessé de s’allonger. D’ailleurs, la question posée depuis onze ans et demi par les Tunisiens est justement celle-ci : qui au juste sont ces (ir) responsables politiques ? Et la réponse est bien sûr troublante et polémique. Ce sont le produit d’une politique régie par les petits arrangements de «partage du gâteau» entre les proches, les disciples et les fidèles : des incompétents qui incarnent une résistance farouche à cet ardent désir, de tous les Tunisiens, de voir la compétence et l’expérience au pouvoir. Il ne suffit pas d’être incompétent. Encore faut-il être odieux !
Tout cela, on le sait depuis 2011. On le répète à l’infini. Certains s’en occupent, d’une façon encore trop marginale. C’est peut-être une nouvelle occasion de le crier à ceux qui ne sont jamais vraiment redescendus de leur piédestal et refusent de regarder plus loin que leur intérêt personnel. La responsabilité politique, surtout au pouvoir, est un métier qui s’apprend. Plus un responsable est compétent et expérimenté, meilleur il sera. C’est une vieille règle historique. Sinon, l’ignare, qui fait toujours se côtoyer incompétence, arrogance et bêtise, fera son stage aux frais du contribuable en tombant dans une pathologie obsidionale voyant ennemis partout.
Dans leur désir passionné de faire advenir un autre modèle de gouvernance, ces incompétents, à l’instar de tous les idéologues de l’anarchie, et dont l’arrivée au pouvoir ne fut qu’un hasard désastreux, foulent aux pieds les connaissances politiques, économiques et sociales et mènent une stratégie jusqu’au-boutiste, même au prix de l’effondrement de l’État. À force de semer des idioties à pleines mains, de lancer des bêtises pleines d’aigreur, de vitupérer contre les fondateurs de la nation et ses élites, de ridiculiser l’autorité de l’État sous toutes les latitudes, nous voilà arrivés au bout du gouffre. Mais notre société est-elle à ce point infantilisée qu’elle ne peut réaliser l’ampleur du risque pour le pays ?
De l’accablement à l’écœurement, en passant par la honte, l’humiliation, la stupeur, les Tunisiens ont souvent fini par s’habituer au pire.
Pour espérer surmonter la crise qui ébranle le pays, pour échapper à la colère populaire dont il est désormais la cible, le président doit changer. Changer de méthode, de politique, de stratégie même et de renoncer à une gouvernance verticale. Il doit s’entourer de compétences, s’ouvrir aux expérimentés, entendre la parole des élites. Mais le peut-il réellement ?