Une vérité peut en cacher «deux autres»

Le comité de défense de l’opposant Chokri Belaïd a accusé la sûreté nationale, lors d’une conférence de presse organisée jeudi 7 novembre à Tunis, de dissimulation de preuves et d’utilisation de la même arme avec laquelle Chokri Belaïd aurait été assassiné. Cette accusation a été tout de suite récusée par le ministère de l’Intérieur. Décryptage.

Dans un communiqué rendu public, le ministère de l’intérieur a précisé que «les unités de la police et de la garde nationale ne possèdent pas le type d’arme mentionné dans le rapport hollandais (pistolet calibre 9mm, modèle 92 et 93)». Le MI a publié ce communiqué suite aux déclarations faites par l’avocat Mokhtar Trifi, lors d’une conférence de presse organisée par l’Initiative pour la  recherche de la vérité sur l’assassinat de Chokri Belaïd (IRVA – Chokri Belaïd) et avec la participation du comité de défense de l’opposant assassiné.

Une clarté douteuse
«On a tenté de cacher plusieurs vérités dont celle qui concerne par exemple l’arme utilisée ou les voitures qui n’ont pas été affichées à la recherche ou même l’usage de la ligne téléphonique tandis que nous ne manquons pas d’informations sur les traits du crime. Ce sont des coïncidences étranges et des défaillances remarquables dans les recherches menées», nous a affirmé Basma Khalfaoui, veuve de Chokri Belaid.
Cette conférence a révélé de nouvelles données sur l’analyse balistique, ordonnée par le juge d’instruction, sur l’arme du crime pour en connaître les spécificités. «On a remis ces données à la brigade chargée des affaires criminelles qui a une commission rogatoire», nous a affirmé Mohammed Jmour, vice-secrétaire général du parti des patriotes et démocrates uni (PPDU) et ce, en marge de la conférence. La brigade a remis à son tour les projectiles de cartouches qui ont été prélevés sur le corps de Chokri Belaid à l’organisme hollandais Netherland Forensic institute.
Il y avait une délégation composée de trois personnalités, outre le ministre de l’Intérieur qui a dû rester en Hollande pendant trois jours pour connaitre les résultats. Il s’agit de Riad Rkik, commissaire principal, chef de la sous-direction des études et du suivi à la direction de la police judiciaire, de Adnan Slama, commissaire principal, chef d’équipe à la sous-direction des affaires criminelles et de Belgacim Bensaoudi, un haut responsable sécuritaire. Le rapport portant sur l’analyse balistique a été remis dès le 29 juin aux trois personnes concernées.
«Les investigations ont établi que l’arme qui a été utilisée est un pistolet de type Beretta 9 mm et les cartouches sont d’origine australienne et belge. Il se trouve que ces armes sont utilisées par de hauts responsables de la sûreté nationale», nous a affirmé Mohamed Jmour. Avant de poursuivre : «On a fait des recoupements avec une affaire pendante devant la cour d’appel militaire relative aux victimes de la Révolution et dans l’un des procès-verbaux joints dans cette affaire, il y a eu une déclaration qui atteste que le service de sureté utilise cette arme.»
Dans le communiqué du ministère de l’Intérieur, il a été indiqué d’une manière exhaustive que le ministère a menée plusieurs recherches suite à l’assassinat de Chokri Belaid tout en citant l’enchainement chronologique des mesures prises en coopération avec la partie étrangère. C’est dans ce sens que l’avocat Mokhtar Trifi,  également membre du collectif de défense du martyr Chokri Belaid s’est posé la question suivante : «pourquoi a-t-on passé sous silence le rapport d’expertise balistique relatif au meurtre de Belaid?» Soulignant, lors de la conférence de presse, que tous les faits présentés au cours de la conférence de presse étaient « dûment actés.»
Le ministère de l’Intérieur a réagi à ces déclarations. Dans son communiqué, il précise que les comparaisons effectuées entre les armes prouvent qu’il n’y a aucune ressemblance au niveau des types d’armes utilisées.
Ainsi, le ministère se dit prêt à «porter plainte» contre quiconque qui oserait «calomnier» des cadres sécuritaires et «propager de fausses accusations» à leur encontre et à l’encontre de l’institution sécuritaire. Pour sa part aussi, l’avocat Mokhtar Trifi compte porter plainte également.

La détermination
L’IRVA et le comité de défense de Chokri Belaid restent déterminés. «C’est une arme ancienne. Certes, d’autres personnes sont impliquées, mais ce n’est pas un amateur qui a tué Chokri Belaid, vu le type d’arme utilisé c’est un professionnel. Nos recherches vont se poursuivre», ajoute le vice-secrétaire général du PPDU Mohammed Jmour.
L’IRVA s’est d’ailleurs proposé de recourir à la commission des Droits de l’Homme et à la Cour africaine des Droits de l’Homme afin de lever le voile sur cette affaire. «On est en train de travailler, on n’a pas encore entamé le procès. Il faut d’abord bien préparer le dossier. Nous essayerons ensuite de cumuler les éléments pour avoir un rapport complet à envoyer aux deux instances», nous a fait savoir Basma Khalfaoui.
Ce rapport ne sera pas publié, mais d’autres rapports portant sur de nouvelles données seraient rendus publics par l’IRVA tous les quinze jours.

Chaïmae Bouazzaoui

 

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