Par Nouri Zorgati
L’indice des prix à la consommation enregistre des taux d'augmentation supérieurs à ceux des années antérieures à la Révolution. Ces taux passent de 4,9% en 2008, à 3,5% en 2009, à 4,4% en 2010, à 3,5% en 2011, et 5,6% en 2012. La tendance à la hausse semble se poursuivre au cours des premiers mois de l'année 2013, puisque l'on enregistre à fin mars 2013 un glissement annuel des prix de 6,5% par rapport au mois de mars 2012. Bien que ces taux n'aient rien à voir avec les pics d'inflation enregistrés, certaines années dans divers pays (14,5% aux États-Unis en1979, 120% en 1979 et 68,5% en 2001 en Turquie, 20% de 2008 à 2012 en Iran), la maîtrise de l'inflation demeure une préoccupation majeure pour la stabilité économique et financière et la sauvegarde du pouvoir d'achat des catégories modestes et moyennes de la population.
Le retour au dirigisme
Pour lutter contre l'inflation, les autorités sont tentées par le démon de la fixation des prix avec le risque en figeant les prix, de figer tout ou une partie de l'économie. Ainsi après avoir plombé le budget de l’État par les subventions à la consommation, voilà que l'on s'apprête à briser ce qui reste des ressorts de l'économie par un retour aux procédés des années sombres du dirigisme économique. La fixation des prix est un acte antiéconomique, un geste antidémocratique et un aveu d'impuissance des autorités dans la recherche et l'identification des causes du mal. Le dysfonctionnement du système des prix nécessite en effet l'identification de ses origines afin de s'attaquer à ses racines et de rétablir les mécanismes du marché. Le préjudice économique causé par l'interventionnisme intempestif de la puissance publique est sans commune mesure avec le soulagement que peut apporter aux consommateurs la réduction de quelques millimes sur quelques produits, sans effet significatif sur le niveau général des prix.
Les prix constituent des indicateurs fondamentaux, ils sont le thermomètre de l'état de santé de l'économie. En cassant les prix, on casse les repaires de l'économie. Ce n'est pas en brisant le thermomètre que l'on fait tomber la température du malade. L'expérience du passé montre que lorsque le prix d'un produit est fixé par les autorités, celui-ci disparaît des étals et passe au marché noir pour être écoulé à des prix supérieurs sans supprimer les origines du dysfonctionnement. Le signal adressé ainsi aux investisseurs de l'intérieur et de l'extérieur qui ne se bousculent pourtant pas aux portillons, est des plus négatifs à un moment où l'économie en a le plus grand besoin.
L'inflation, causes et conséquences
L'examen de la composition de l'indice des prix à la consommation montre que les prix des produits alimentaires ont augmenter de 8,8% entre mars 2012 et mars 2013. Compte tenu de l'importance de leur poids dans l'indice des prix, soit 32,7% des dépenses de consommation, ils sont responsables de 2,9 points, donc près de la moitié de l'augmentation globale de 6,5%. L'augmentation des prix s'est ensuite étendue par un effet de boule de neige aux différentes catégories de produits non agricoles par souci des autres activités de conserver voire d'améliorer le pouvoir d'achat de leurs revenus. L'importante augmentation des prix des produits alimentaires est donc à l'origine de l'inflation générale des prix.
Or les prix résultent de l'équilibre entre l'offre et la demande. L'augmentation des prix des produits alimentaires ne peut donc provenir que de l'insuffisance de la production ou de la rétention par les circuits de distribution ou enfin de l'excès de la demande sur l'offre. Compte tenu des conditions climatiques plutôt favorables au cours des deux dernières années, la production agricole ne peut être en aucun cas mise en cause et cela malgré l'absence de publication de données économiques et sociales. Le motus dans ce domaine est d’ailleurs surprenant. Il s'agit là d'un recul et d'une rupture de l'information injustifiée quand on connait les moyens dont dispose l'administration pour établir des estimations dans tous les domaines.
Puisque ce n'est pas le niveau de la production agricole qui est la cause de l’inflation, c'est peut-être la rétention par les circuits de distribution qui en est responsable. Or, comme tous les produits agricoles sont concernés par les augmentations, même les produits périssables tels que le persil et autres produits frais, cette hypothèse ne tient pas la route. D'ailleurs cet argument de rétention qui sort à tout bout de champ comme un serpent de mer, a permis de justifier le recrutement d'une armada de contrôleurs des prix qui encombrent inutilement la fonction publique et peuvent même contribuer à entretenir la corruption. On se trompe de cible. C'est la concurrence qu'il faut contrôler et non les prix, car l'augmentation des prix résulte d'une insuffisance de la concurrence. Il est d'ailleurs grand temps de mettre en place une instance indépendante de la concurrence comme l'exige le bon fonctionnement d'une économie démocratique.
Il ne reste plus pour expliquer l'augmentation des prix alimentaires, que l'excès de la demande sur l'offre. Or, comme il ne s'agit pas de la demande intérieure pour des raisons évidentes de pouvoir d'achat, il s'agit donc d’exportation illicite par le biais de la contrebande. En effet contrairement aux produits industriels, les produits agroalimentaires sont soumis à une autorisation préalablement à leur exportation.
Maîtriser l'inflation
N'ayant pu maîtriser la contrebande, les autorités se rabattent sur la fausse solution de facilité qui consiste à tordre le cou aux prix. Il est plus opportun cependant de faire face au défi de la contrebande en levant temporairement l'interdiction d'exportation les produits agroalimentaires non subventionnés afin de régulariser et de contrôler les circuits d'exportation et de prélever la contrepartie en devises pour effectuer les importations de substitution nécessaires. C'est d'ailleurs là une occasion idéale qu'il ne faut pas laisser passer, pour préparer le secteur agricole à devenir un secteur exportateur de produits de plus en plus nombreux.
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