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La nouvelle souche pourrait être moins dangereuse à force d’avoir muté. Mais les scientifiques estiment qu’il est encore trop tôt pour favoriser une telle hypothèse.
La phrase semble si étonnante qu’elle a été reprise dans de nombreux médias : Le variant Omicron « pourrait être une bonne nouvelle », a affirmé le virologue Yves Van Laethem dans le quotidien belge La DH. Alors que la nouvelle souche détectée en Afrique du Sud inquiète le monde entier qui se barricade, le spécialiste affirme qu’elle pourrait être « un très beau cadeau de Saint-Nicolas, dans le sens où un variant moins virulent remplacerait l’autre et permettrait aux non-vaccinés de s’immuniser. Si les malades ont un rhume et 37,7 de fièvre, cela est moins problématique. » Autrement dit, il estime que la mutation d’un virus peut entraîner une baisse de sa létalité et rendre ainsi la maladie bénigne. Si le variant Omicron entraîne des formes moins graves de la maladie tout en se transmettant plus rapidement, il pourrait donc renverser le variant Delta – source majoritaire actuellement. Pour l’heure, aucun décès lié à ce nouveau mutant n’a été détecté dans le monde, a rappelé ce samedi l’OMS.
D’autres spécialistes abondent en ce sens : » Ce nouveau variant est peut-être la lumière au bout du tunnel. C’est un variant très contagieux, mais peut-être pas aussi agressif qu’on ne le craint », avançait aussi le 30 novembre, Zvika Granot, professeur d’immunologie. Ces propos font écho à ceux de la présidente de l’Association des médecins sud-africains, Angelique Coetzee qui a déclaré la semaine dernière avoir reçu des patients aux tests Covid positifs avec des symptômes inhabituels. « Ce qui les a amenés dans mon cabinet » de Pretoria, « c’est une fatigue extrême », raconte-t-elle. « Je ne dis pas qu’il n’y aura pas de maladies graves » mais « pour l’instant, même les patients que nous avons vus qui n’étaient pas vaccinés ont des symptômes légers », a-t-elle précisé. Dans la foulée, le Dr Coetzee rappelle qu’on sait bien peu de choses sur la dangerosité de ce variant que l’OMS a cependant qualifié de « préoccupant ».
Entre espoir et inquiétude, le variant Omicron se trouve au coeur des discussions scientifiques. Parmi les questions qui affluent : le Sars-CoV-2 pourrait-il se transformer en maladie bénigne avec cette nouvelle souche ?
Interrogé par L’Express, Hervé Fleury, virologue et professeur émérite au CNRS et à l’université de Bordeaux, répond que plusieurs options sont sur la table : « Il faut être patient et attendre quelques semaines avant de pouvoir répondre.
« Afin d’obtenir un tableau plus précis du variant Omicron, l’évolution des malades actuels dans les prochains jours va permettre d’évaluer la gravité de la situation. À noter qu’en Afrique du Sud – pays le plus touché par le nouveau variant – un pic d’infections parmi les enfants a été signalé par les autorités de santé ce vendredi. Avec 16 000 nouveaux cas par jour – dus au variant Omicron – les données sud-africaines sur la pathogénicité sont très attendues. « Le drame, c’est que tout le monde dresse des hypothèses, mais personne ne dispose encore de données solides », s’agace Hervé Fleury.
*Omicron « handicapé » à force d’avoir muté
Si des conclusions ne peuvent pas être tirées tout de suite, le virologue admet que l’hypothèse selon laquelle le variant Omicron pourrait être une bonne nouvelle fait partie des possibilités à envisager. Tandis que le variant Delta, hautement transmissible, comporte neuf mutations sur la protéine Spike, qui joue un rôle important dans l’infection, le variant Omicron compte 32 mutations sur cette protéine et une cinquantaine en tout. Selon Hervé Fleury, la nouvelle souche pourrait se retrouver « handicapée » à force d’avoir autant mutée. S’il a gagné en transmissibilité – car il n’avait pas d’autres choix pour se maintenir – il pourrait avoir perdu en virulence à force de s’être transformé. « Le variant Omicron a tellement de mutations qu’il pourrait être moins pathogène. Si cela est confirmé, il pourrait devenir une souche très intéressante pour l’espèce humaine », souligne le professeur émérite qui prend soin d’utiliser à chaque fois le conditionnel.
En attendant les résultats, le variant Delta continue de tuer en France et reste l’ennemi numéro un. Jusqu’à ce qu’Omicron le remplace, peut-être. « Il pourrait devenir un type de coronavirus bénin que l’on connaît déjà l’hiver dans nos contrées et qui touche les enfants », reprend le professeur Fleury avant d’ajouter que ceci reste évidemment à prouver. Outre-Atlantique, le discours est le même. « Ce que nous devons faire, c’est simplement continuer à suivre la situation, en obtenant autant d’informations et de données que possible », a martelé Antony Fauci, conseiller de la Maison-Blanche sur la crise sanitaire, ce vendredi.
En France, les scientifiques sont divisés sur les hypothèses concernant Omicron. Sur Twitter, le biologiste médical Claude-Alexandre Gustave rappelle que « les variants se sont d’ailleurs toujours montrés plus contagieux… sans être moins virulents. »
(L’Express)