Par Abdelaziz Belkhodja
Une femme Garde National a refusé de se laisser insulter par un émir braconnier lors d’un contrôle, provoquant ainsi la fureur de ce dernier et la mesure ridicule concernant l’interdiction de l’embarquement des Tunisiennes sur les vols de la compagnie aérienne des Emirats.
Comme chaque année depuis des décennies, des émirs émiratis viennent en Tunisie chasser certaines espèces animales en voie d’extinction, dont la fameuse outarde-houbara, un un grand oiseau de la famille des Otididae dont ils raffolent à cause d’un supposé effet aphrodisiaque.
Cette pratique est ancienne, et les émirs disposent, pour leurs très nombreuses parties de chasse, d’un matériel extraordinaire qui comprend des armes automatiques et des véhicules tout-terrain spéciaux avec poste de tir télescopique et toute la technologie nécessaire pour pouvoir atteindre leur proies tout en restant dans le luxe.
Malgré les nombreuses interdictions et les nombreux avertissements des associations écologiques, les émirs, protégés par les autorités et par les généreux pourboires ont, à de rares et notables exceptions, réussi à poursuivre leur chasse interdite.
En décembre dernier, une patrouille de la Garde Nationale a procédé au contrôle d’un cortège de véhicules de chasseurs.
Au sein de cette patrouille, une femme Garde National qui a demandé ses papiers à l’un des émirs. Choqué d’être contrôlé, de surcroit par une femme, ce dernier, alors qu’il portait son arme de chasse, refusa de se soumettre tout en lançant: «ce n’est pas à une femme impure de me contrôler ». La Garde National dégaina immédiatement son arme, la pointa sur l’émir et lui demanda à nouveau, et avec vigueur cette fois-ci, ses papiers. L’émir se soumit immédiatement, mais considérant que la femme lui avait insulté son honneur, il appela plus tard les siens aux Émirats et demanda l’application immédiate d’une mesure de rétorsion.
Comme nous l’avons vu, dans la précipitation, c’est une mesure particulièrement inepte et concernant uniquement les femmes qui a été décidée : leur interdire de monter à bord des avions émiratis.
Ainsi, une nouvelle fois, ce sont les ineptes égos qui ont provoqué une crise complètement inutile.
Par contre, le comportement de la femme, qui a fait son travail et protégé la souveraineté nationale est hautement louable et méritait d’être rapporté.
Quand au silence entourant cette affaire, il était clair que la dévoiler aurait été pour ce prince un sacré camouflet, surtout de la part d’une femme « impure ».
Les hommes politiques tunisiens gagneraient à réagir comme les Tunisiennes et à apprendre la formule « émir fi blédou » (émir chez lui) qui rendrait à la Tunisie sa souveraineté brimée.
(Source : La Nation)