Vers une crise institutionnelle ?

Le 11 mai dernier, le conseil national de l’Istiqlal a annoncé son retrait du gouvernement Benkirane avant de faire un pas en arrière en suspendant sa décision en attendant le retour du roi Mohammed VI, actuellement en voyage. Bien que non surprenant pour de nombreux observateurs marocains, ce retrait soulève de nombreuses interrogations sur l’avenir de la coalition gouvernementale et augure (s’il se confirmait) d’une grave crise politique.

 

Partira ou ne partira pas ? Principal allié des islamistes au pouvoir depuis un an et demi, l’Istiqlal qui  est, avec 60 sièges sur 395, la deuxième force politique du royaume après le Parti justice et développement (PJD), détient cinq portefeuilles dont ceux de l’Education et de l’Economie et compte parmi ses dirigeants Karim Ghellab, le président du Parlement. A l’heure où nous mettons sous presse et bien que le conseil national de l’Istiqlal, ait tranché, rien n’est définitif. Actuellement en voyage, le roi Mohammed VI a appelé le parti conservateur à rester au gouvernement afin d’« éviter une crise politique majeure ». 

 

Chabat, le meilleur ennemi

Dans un communiqué publié à la suite du conseil national, l’Istiqlal estime avoir «alerté le gouvernement sur plusieurs erreurs concernant la gestion de problèmes stratégiques» du pays. Accusé de «monopoliser les décisions au sein du gouvernement», Abdelilah Benkirane , le chef de file du PJD, est accusé de ne pas « prendre en considération la gravité de la situation économique et sociale ». Fin 2011, les islamistes remportaient un succès historique aux législatives organisées à la suite de la révision constitutionnelle au Maroc. Toutefois, ne disposant pas de la majorité, ils furent contraints de composer une coalition hétéroclite de laquelle figure l’Istiqlal, le puissant parti conservateur, mais également le Mouvement populaire (MP) et le Parti du progrès et du Socialisme (PPS). Les relations se tendent dès septembre 2012, avec l’arrivée de Hamid Chabat à la tête du parti conservateur. En effet, depuis son élection en tant que Secrétaire général de l’Istiqlal, le maire de Fès et leader de l’Union générale des travailleurs marocains (UGTM), multiplie les sorties médiatiques contre le gouvernement d’Abdelilah Benkirane, l’accusant de  « mauvaise gestion » et même de « corruption ». Or, confronté à une situation économique et sociale délicate, le gouvernement qui tarde à mettre en place les grandes réformes promises, s’use à l’épreuve du pouvoir.  Le 1er mai dernier  marque un tournant dans les tensions entre les deux hommes. Alors que les manifestations à l’occasion de la fête du travail sont imposantes, Chabat et Benkirane se livrent à des joutes oratoires. Benkirane tente de jouer encore le rôle de la victime en évoquant les crocodiles et les démons  qui perturbent l’action de son cabinet. Le PJD  instrumentalise la religion et la cause nationale à des fins politiciennes, dans le cadre des préparatifs aux prochaines échéances électorales», martèle à Rabat le leader de l’UGTM devant des milliers de Marocains. «Des perturbateurs ne font que renforcer la popularité de l’équipe gouvernementale», s’est écrié Abdelilah Benkirane à Casablanca avant de critiquer « d’étranges parties et centrales syndicales nostalgiques d’un mode de contrôle et de répartition des richesses révolu et auxquelles serait confronté son gouvernement ». 

La hache de guerre déterrée

Dès lors, selon les observateurs marocains, les jours de la coalition gouvernementale sont comptés…et les déclarations se sont multipliées. « Nous sommes entrés dans ce gouvernement d’abord pour réussir les réformes politiques entamées depuis maintenant une décennie, notamment en matière de démocratisation et de gouvernance, ensuite parce que nos propositions et celles du PJD sur les questions économiques et sociales se rejoignaient. 

Mais entre le moment où il est devenu Premier ministre, en janvier 2012, et mon élection à la tête de l’lstiqlal en septembre, Benkirane a gouverné seul. A l’époque, nous étions en pleine campagne électorale et pas vraiment en mesure de réagir. 

Maintenant, nous le sommes. Dans un premier temps nous avons fait des propositions pour améliorer le fonctionnement des institutions. Mais Benkirane ne nous a pas écoutés. Il se conduit en chef de parti, il ne consulte pas ses partenaires, le dialogue social avec les syndicats est au point mort », a récemment déclaré Hamid Chabat dans une interview à l’hebdomadaire français l’Express. Et le leader de l’Istiqlal a été plus virulent. Lors d’un meeting tenu à Fès le 8 mai dernier, il n’est pas allé de main morte. Les membres du PJD prétendent lutter contre la corruption « alors que 15 d’entre eux, lorsqu’ils étaient chargés de la gestion des affaires locales, ont été impliqués dans des cas de corruption, comme cela s’est produit à Midelt et à Meknès », a-t-il affirmé selon le quotidien arabophone Assabah. Réuni le jour même à Rabat, le bureau exécutif de la jeunesse istiqlalienne a apporté un soutien de taille au secrétaire général. «Notre parti ne doit plus cautionner des politiques et des décisions ne cadrant pas avec sa vision des choses et sa façon de faire. Depuis 60 ans, le parti a toujours défendu les intérêts des Marocains, ce n’est pas aujourd’hui qu’il va renier ses principes », a-t-il estimé dans un communiqué.

 

Vers un remaniement ? 

Jouant l’apaisement, Abdelilah Benkirane a toujours nuancé les conséquences des propos de Chabat. « Le PJD ne craint pas la perspective d’un départ de l’Istiqlal », avait déclaré en substance le Chef du gouvernement au quotidien arabophone Al-Ahdath Al-Maghribia. A l’annonce de la décision du conseil national, et au moment où nous mettons sous presse, le leader du parti islamiste ne s’est toujours pas exprimé… contrairement au roi Mohammed VI, actuellement à l’étranger. Contacté par téléphone, le chef de l’Istiqlal aurait été prié de « maintenir les ministres au sein du gouvernement. « Le parti adhère totalement à la volonté royale de garantir les conditions de stabilité et de servir les intérêts supérieurs de la Nation », a indiqué l’Istiqlal dans un communiqué publié à l’issue de l’entretien.  Maintenue, la décision de l’Istiqlal ouvrirait la voie à des élections législatives ou a la mise en place d’une nouvelle coalition gouvernementale. Dans le cas contraire, les islamistes pourraient être contraints sous la pression à envisager un remaniement ministériel en intégrant des proches de Hamid Chabat dans la nouvelle équipe. La question, plusieurs fois posée, a été complètement éludée jusqu’à présent. 

A.T

 

Brèves

Maroc

Nouveau-né

Au Maroc, une Agence nationale de lutte contre l’analphabétisme vient d’être créée. Selon Mustapha El Khalfi, le ministre de la Communication, son objectif est de «ramener d’ici 2016 à un taux de 20% les quelques 730.000 personnes qui actuellement ne savent pas lire et écrire dans le royaume». «Le gouvernement a adopté un projet de loi organisationnel de cette agence dont le département de tutelle est le ministère de l’Éducation nationale. Nous avons attendu plusieurs années pour que cette agence voie le jour », a-t-il ajouté. 

 

Réseau de voleurs de bébés 

Un réseau de «bébés volés» a été découvert. Les bébés, nés au Maroc ou dans l’enclave espagnole de Melilla dans les années 1970 et 1980, étaient vendus entre 1.200 et 6.000 euros. «L’enquête a permis d’identifier 28 cas de “bébés volés” qui étaient revendus en Espagne à de riches familles ne pouvant pas avoir d’enfants», a indiqué dans un communiqué le ministère espagnol de l’Intérieur. Au total, «31 personnes dont la  plupart sont soit âgées, soit décédées sont impliquées dans le trafic», a-t-il précisé. L’enquête a débuté à la suite d’une déposée en novembre 2011 par Anadir, une association de défense de victimes de «bébés volés» en Espagne. Depuis, quelque 1.500 plaintes avaient été déposées.

Mauritanie

Nouveaux-nés

Deux chaînes de télévision «Dava» et «Al Mourabitoune» ont reçu l’autorisation d’émettre en Mauritanie. Nous offrirons «un espace d’expression aux hommes politiques, notamment ceux qui ont souffert de marginalisation», a déclaré à l’agence PANA Ould Lemrabott, le directeur de l’information de la chaîne «Al Mourabitounes». Cette autorisation porte à quatre le nombre de télévisions privées en Mauritanie.

 

Libye

Levée de siège des miliciens

Les hommes en armes qui cernaient, depuis près de deux semaines, les ministères des Affaires étrangères et de la Justice à Tripoli ont fini par lever le siège. Ces miliciens réclamaient une loi bannissant de la vie politique les anciens responsables et collaborateurs du régime Kadhafi. Toutefois, après l’adoption de cette loi, les protestataires ont également exigé le départ du chef du gouvernement Ali Zeidan, accusé «de complaisance envers les anciens kadhafistes.» Un accord aurait été trouvé entre les parties. Il porte «sur la création d’une commission mixte regroupant les protestataires et des responsables du ministère pour faire le suivi de la mise en œuvre de la loi de l’exclusion politique sous la supervision du CGN», a déclaré Abdel al-Gharyani porte-parole des protestataires.

 

Algérie 

Horizon  2030

D’ici 2030, l’Algérie envisage de couvrir le tiers de la consommation énergétique du pays avec un programme de production d’énergies renouvelables. Dans le cadre de ce programme estimé à 970 millions d’euros, la phase expérimentale connaitra l’installation de deux centrales de 20 MW dans chaque wilaya des Hauts Plateaux. «Les terrains pour ces projets doivent être dégagés pour être réceptionnés en mars 2014 et entrer en production avant l’été 2014», a récemment déclaré Youcef Yousfi, le ministre de l’Énergie et des Mines.

 

Construction de logements

«Les banques publiques algériennes financeront à hauteur de  12 milliards d’euros environ (1.200 milliards de dinars) la construction de plus de 250.000 logements d’ici fin 2014», a déclaré Mohamed Djellab, le P.DG du Crédit populaire d’Algérie (CPA). Principale  banque publique, le CPA a signé une convention avec l’Entreprise nationale de promotion immobilière (ENPI)  et l’Agence pour l’amélioration et le développement du logement (AADL) pour financer leurs projets de construction de logements. «Il s’agit de la plus grosse opération de financement par concours bancaire dans l’histoire de l’Algérie, et l’une des plus importantes opérations au niveau mondial», a ajouté Mohamed Djellab.

 

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