Dix-huit mois après avoir présenté ses lettres de créance au président Kaïs Saïed, le nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire bulgare Veselin Dyankov a exprimé sa volonté de rehausser davantage la coopération bilatérale vers un partenariat riche, solide et bénéfique pour les deux pays amis et ce, en explorant les opportunités et le grand potentiel de coopération dans divers domaines d’intérêt commun.
PROPOS RECUEILLIS PAR HAJER BEN HASSEN
Si vous deviez donner un petit aperçu sur votre pays, la Bulgarie, que diriez-vous ?
La Bulgarie est un pays d’Europe du Sud-Est, situé dans les Balkans. Le territoire de notre pays est de 111 000 km2 pour une population de 6.5 millions. La Bulgarie a été fondée au VIIe siècle et fait partie des pays les plus anciens en Europe et qui, en plus, n’a jamais changé son nom depuis. La Bulgarie est la patrie de l’alphabet cyrillique et c’est notre plus grande contribution à la civilisation et la culture mondiales.
Après la Seconde Guerre mondiale, la Bulgarie faisait partie du Bloc de l’Est communiste et s’alignait étroitement sur l’Union soviétique. En 1989, le régime communiste a été destitué et une nouvelle constitution démocratique a été adoptée en juillet 1991. Aujourd’hui, notre pays est une république parlementaire, membre de l’OTAN depuis 2004 et de l’Union européenne depuis 2007.
Pour un pays aussi ancien, la population n’est que de 6,5 millions d’habitants et est considérée comme la plus âgée en Europe. Comment la Bulgarie compte-t-elle faire face à cette crise démographique ?
La population de la Bulgarie est devenue de plus en plus âgée. Cela s’explique par un taux de natalité très faible. Dans les pays développés, il y a cette tendance à avoir de moins en moins d’enfants. La deuxième raison, c’est la liberté de circulation. Beaucoup de Bulgares ont migré vers des pays européens et autres pour poursuivre leurs études ou pour travailler. Ces facteurs jouent un rôle important dans cette crise. Le gouvernement bulgare a pris une série de mesures sociales pour encourager les couples à avoir plus d’enfants. A titre d’exemple, des subventions sont accordées par le gouvernement aux familles ayant plus d’enfants. Néanmoins, ces mesures semblent ne pas avoir encore porté leurs fruits mais les autorités continuent d’essayer de proposer d’autres initiatives pour faire face à ce problème.
Si la Bulgarie fait face à l’émigration vers d’autres pays, elle rencontre d’un autre côté des problématiques liées aux flux migratoires vers l’Europe. Comment gère-t-elle la crise migratoire au niveau des frontières avec la Turquie en particulier ?
La migration est un phénomène mondial et il y a plusieurs conflits dans le monde qui contribuent à la prolifération de ce problème. Néanmoins, il faut quand même distinguer entre les migrants qui fuient les conflits militaires et les migrants économiques. La Bulgarie est une frontière extérieure de l’Union européenne. Même si elle ne fait pas encore partie de l’espace Schengen, les autorités bulgares fournissent des efforts colossaux pour protéger les frontières extérieures de l’Union européenne. L’adhésion de la Bulgarie à l’espace Schengen est parmi les priorités politiques de notre pays.
Etant en dehors de l’espace Schengen, les conditions d’accès au territoire bulgare sont-elles relativement flexibles pour les touristes tunisiens ?
Je tiens à préciser que même si la Bulgarie n’est pas encore membre de l’espace Schengen, elle veille à appliquer toutes les conditions d’octroi du visa Schengen. Le taux d’acceptation des demandes de visas présentées par des citoyens tunisiens auprès des services consulaires bulgares à Tunis est élevé. Je vous assure que le visa est toujours accordé si le candidat présente un dossier complet avec les documents nécessaires pour les différents types de visas. Il y a certainement des visas qui sont refusés pour dossiers incomplets, mais tout dépend du motif du voyage et des documents présentés lors du dépôt du dossier.
Quelle est votre impression générale quant à la Tunisie depuis votre désignation en tant qu’ambassadeur accrédité à Tunis ?
La Tunisie possède un potentiel de développement énorme vu ses atouts, notamment sa position géostratégique, la proximité avec l’Europe, le haut niveau d’éducation et de compétence de ses cadres, mais aussi l’infrastructure qui est très bien développée. Il s’agit juste de faire valoir tous ces avantages.
La Tunisie passe par une période transitoire et je voudrais vous assurer que l’UE et la Bulgarie continueront à accompagner et soutenir le peuple tunisien dans les réformes socio-économiques et l’aider à faire valoir ses avantages sur les principes partagés de la démocratie, l’Etat de droit et la défense des Droits de l’Homme.
Nous les Bulgares avons vécu la transition vers la démocratie après la chute du mur de Berlin en 1989 et nous sommes prêts à partager nos expériences.
Qu’en est-il du bilan des relations bilatérales entre les deux pays?
En août 2021, nous avons célébré le 65e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Bulgarie et la Tunisie. Ces liens de longue date constituent une base solide pour le développement de notre coopération gagnant-gagnant, tournée vers l’avenir.
La Bulgarie et la Tunisie maintiennent un dialogue politique actif, comme en témoigne l’entretien entre la vice-présidente de Bulgarie Iliana Iotova et la Cheffe du gouvernement tunisien Najla Bouden en marge du Sommet de la Francophonie à Djerba.
L’une de mes principales priorités depuis ma désignation en Tunisie, c’est le renforcement des échanges économiques et commerciaux en encourageant les contacts entre les associations patronales de Bulgarie et de Tunisie. Pour ce faire, nous avons organisé une visite de la CONECT International en Bulgarie début novembre 2022 pour la signature d’un accord de coopération avec la Chambre de commerce et d’industrie bulgare. En parallèle, nous travaillons pour la convocation de la 15e session du comité mixte de coopération économique en Tunisie en 2023. En marge de la session, nous envisageons d’organiser un forum d’affaires tuniso-bulgare.
En 2022, l’ambassade a achevé le premier projet financé par la Bulgarie dans le cadre de son aide au développement pour la rénovation complète du jardin d’enfants municipal d’El Ksar Gafsa et en 2023, nous allons réaliser un autre projet pour la rénovation et l’aménagement du dispensaire municipal. Ce sont des projets qui facilitent la vie quotidienne des Tunisiens qui habitent dans les régions moins développées.
L’ambassade œuvre aussi pour le renforcement de la coopération dans le domaine de la culture et de l’éducation, ainsi que pour le renforcement de la présence culturelle bulgare en Tunisie. Pour ce faire , du 21 au 23 octobre 2022, l’ambassade a organisé des journées du cinéma bulgare à la Cité de la culture à Tunis et présenté l’exposition « La Bulgarie à vol d’oiseau». Nous avons programmé d’autres événements culturels pour 2023.
Quels sont les secteurs, services ou produits tunisiens les plus sollicités sur le marché bulgare ?
Les efforts consentis par nos deux pays à la fin de la pandémie de la Covid-19 ont permis de relancer les échanges commerciaux qui ont enregistré une hausse au cours des deux dernières années et se sont élevés à 270 millions de dollars en 2021 et à 180 millions de dollars pour les 6 premiers mois de 2022.
Les produits tunisiens qui trouvent leur place sur le marché bulgare sont des appareils et câbles électriques, du ciment, des engrais, des dattes et d’autres fruits. Il y a évidemment un grand potentiel pour ajouter de nouveaux produits tunisiens et diversifier la palette d’exportation vers la Bulgarie. L’un des objectifs de la visite de CONECT International dans mon pays était notamment d’identifier de nouveaux produits concurrentiels.
Si nous revenons avec plus de détails sur le bilan de la visite de CONECT International en Bulgarie. Quelles seraient les opportunités pour les entreprises tunisiennes en Bulgarie et vice-versa ?
L’ambassade œuvre pour le développement de contacts directs entre les entreprises des deux pays, notamment entre les PME. Lors de la visite de cette délégation conduite par Foued Gueddich, président de Conect International, un mémorandum de coopération avec la Chambre bulgare de commerce et d’industrie a été signé. Ce mémorandum servira comme base pour l’expansion de la coopération commerciale et économique entre les deux pays.
Pour renforcer davantage les relations économiques et commerciales, nous envisageons également la création d’un Conseil d’affaires tuniso-bulgare lors de l’événement Conect Business Forum qui aura lieu à Tunis du 8 au 10 novembre 2023.
Les échanges touristiques entre les deux pays demeurent relativement faibles. Quelles seraient les mesures pour les renforcer ?
La Tunisie est une destination touristique bien connue en Bulgarie, en particulier Hammamet, mais aussi le Sud tunisien et Djerba. En 2022, on a organisé aussi plusieurs vols charters de Sofia vers Djerba.
La Bulgarie aussi est un pays touristique qui offre d’excellentes plages sur la mer Noire, et beaucoup de stations de ski, notamment Bansko, Borovets, Pamporovo, Vitocha, etc.
Le nombre de touristes bulgares en Tunisie s’est élevé en 2022 à plus de 18 000 qui, évidemment, ne correspond pas au grand potentiel qui existe. Pour augmenter ce nombre, il est nécessaire de renforcer la promotion. Mieux se présenter, mieux se connaître. Bien qu’appréciant beaucoup Hammamet et les côtes tunisiennes en général, les touristes bulgares s’intéressent encore plus au désert tunisien. Toutefois, ce dernier demeure relativement un peu moins accessible faute de vols directs vers les aéroports du Sud.
Qu’en est-il du bilan de la participation bulgare au XVIIIe Sommet de la Francophonie à Djerba ?
Tout d’abord, je tiens à féliciter la Tunisie pour la bonne organisation de ce Sommet à Djerba. L’accueil ainsi que la participation de haut niveau des pays membres témoignent du rôle important de la Tunisie dans la famille francophone.
La délégation bulgare au Sommet a été conduite par la vice-présidente de Bulgarie Iliana Iotova qui démontre l’importance que notre pays attache à ce forum. La Bulgarie a également participé au village de la Francophonie qui nous a offert une excellente opportunité de présenter notre histoire et notre culture.
En marge du Sommet, la vice-présidente Iliana Iotova s’est entretenue avec la Cheffe du gouvernement tunisien Najla Bouden à propos des voies à même de renforcer davantage la coopération tuniso-bulgare. Elles se sont mises d’accord sur la nécessité de donner un nouvel élan à cette coopération, en particulier dans le domaine économique, mais aussi dans les domaines de l’enseignement supérieur, de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’échange d’expertises.
Il existe un énorme potentiel et c’est notre rôle de faire le nécessaire pour tirer profit de ce potentiel.
S’agissant de l’échange d’expertises, quelles chances d’employabilité pour les compétences tunisiennes sur le marché bulgare ?
Les compétences tunisiennes sont de très haute qualité et donc elles sont très sollicitées partout dans le monde. Il n’y a pas beaucoup de Tunisiens qui travaillent en Bulgarie et la plupart sont employés dans le secteur des services par des sociétés multinationales qui se sont installées dans notre pays.
Qu’en est-il de l’enseignement supérieur ? Quelles sont les filières qui sont le plus développées en Bulgarie ?
Les études de médecine sont très bien développées en Bulgarie. Ces dernières sont poursuivies par un nombre assez important d’étudiants étrangers mais malheureusement très peu d’étudiants tunisiens, d’où la nécessité de renforcer davantage la coopération dans ce secteur. En effet, il y a quelques étudiants tunisiens qui sont inscrits à l’Établissement spécialisé de la Francophonie pour l’administration et le management (ESFAM).
Le mot de la fin ?
Dans cette conjoncture internationale très tendue, je tiens à exprimer ma pleine solidarité avec le peuple ukrainien qui défend courageusement sa patrie contre l’agression militaire russe qui constitue une violation grave du droit international. Cette guerre nous concerne tous à plusieurs niveaux, la hausse du prix du pétrole, de l’énergie et des denrées, mais aussi par la menace à la sécurité alimentaire de millions de personnes. Par ailleurs, la plus grande menace, c’est la mise en cause par la Russie des principes fondamentaux de la Charte des Nations unies. L’Assemblée générale des Nations unies a condamné l’agression russe sans équivoque et il est important de continuer à défendre tous ensemble le droit international et la paix.