Qui veut la peau de Youssef Chahed ?

Une sorte de chape de plomb est en train de s’abattre sur  la vie politique nationale en cette période d’automne triste. Elle est nourrie par le laxisme des partis politiques, l’absence de toute visibilité et l’inversion des rôles. Comble du paradoxe, c’est Nidaa Tounes, parti de la majorité, censé être l’appui précieux du gouvernement d’union nationale, qui est en passe de devenir à l’avant-garde des partis de l’opposition. Plus grave, il est en train de tout faire pour précipiter le départ de Youssef Chahed de la Kasbah. Parce qu’il est coupable de ne pas obéir aux ordres qui lui sont donnés par le directeur exécutif de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi, s’agissant notamment de la nomination de ses proches aux postes de responsabilité ou de ménagement de certaines têtes amies tombées dans la guerre contre la corruption engagée depuis mai dernier.
L’indépendance de la décision du Chef du gouvernement lui vaut, de plus en plus, des dirigeants de Nidaa  Tounes et de son bloc parlementaire, affaibli et désuni, réprimandes et critiques acerbes. Le cas le plus symptomatique fut  la réaction de rejet brutal  de ce parti,  qui a perdu sa majorité à l’ARP au profit de son allié naturel Ennahdha, du projet de loi de Finances 2018. Un rejet qui cache mal le désamour qui ne cesse de s’amplifier entre Nidaa Tounes et le gouvernement, pourtant présidé par l’une de ses jeunes figures. Cette mésentente peu cordiale étonne à plus d’un titre, sonnant le glas du gouvernement d’union nationale, lâché presque par tous ses appuis naturels, dont le dernier en date l’UTICA qui a trouvé dans le projet de loi de Finances 2018, le bon alibi pour déclarer la guerre à Youssef Chahed.
Dans le contexte hésitant actuel que connaît le pays, en proie à une crise économique sans précédent et à des tensions menaçant de plus en plus l’ordre social, à qui peut profiter une nouvelle crise gouvernementale ? Alors que le pays connaît un grand blocage politique,  comme le montrent la crise insoluble que vit l’ISIE, les doutes qui entourent les Municipales de 2018, le fonctionnement chaotique de l’ARP et les tentations de  certaines parties à former un front centriste pour tacler le poids hégémonique de Nida Tounes  et d’Ennahdha, l’on voit mal comment il sera en mesure de trouver  le bout du tunnel. Peut-t-il, dans les circonstances actuelles difficiles, supporter de longues  et fastidieuses tractations pour former une autre équipe gouvernementale à laquelle on aura de la peine à trouver un qualificatif juste et une mission claire ? Quels arguments pourrait-on invoquer pour justifier le départ de Youssef Chahed, dont le poids commence à déranger certains intérêts au fur et à mesure que  les élections de 2019 s’approchent?  Au moment où  tous les pays concentrent leurs efforts et leur attention, en cette période, pour définir  les politiques et les programmes qu’exige la nouvelle année qui pointe  à l’horizon, chez nous,  le débat public dérape. Il contient une forte dose de tension et  a pour trame de fond l’union  de forces politiques,  par essence antinomiques,  pour fragiliser encore les pouvoirs en place et faire basculer le pays dans l’attentisme et l’incertitude.
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Le forum international de l’investissement organisé,  la semaine dernière,   par  la Tunisie,   à grand frais,  sous le slogan « la Tunisie nouvelle, une nouvelle vision économique », n’a valu que par les discours,  il est vrai, plats et décalés, la forte présence enregistrée au cours de la séance d’ouverture et la désorganisation qui a caractérisé ses travaux.  Dans la situation actuelle que traverse le pays, où le dialogue entre le gouvernement et les partenaires sociaux est devenu  presque impossible, l’environnement des affaires  ne cesse de se dégrader, les chefs d’entreprises inquiets et en mal de repères et l’Administration tunisienne  continue à résister  au changement et tourner  le dos à la performance et à la transparence, quelle image de marque peut-on promouvoir  de la Tunisie et quels arguments peut-on présenter aux chefs d’entreprises et aux bailleurs de fonds pour les inciter à investir dans le pays ? La qualité du  discours de nos responsables,  qui se sont contentés d’avancer des slogans creux et d’étaler, devant un auditoire médusé,  les contre-performances de l’Administration tunisienne et les divergences  entre le gouvernent et l’UTICA sur le projet de loi de Finances 2018, a surpris et déçu ! Qu’a récolté le pays de ce rendez-vous annoncé depuis plus de six mois ? Il est certain que le TIF 2017 a été un événement de trop, survenant  au mauvais moment et que son organisation a été défaillante. N’aurait-il pas  mieux valu revoir  sa périodicité et le concept même, devenu inadapté et peu mobilisateur de la communauté des affaires ?  Alors que   nos finances publiques sont à plat,  il aurait été loisible d’épargner  une grosse dépense dont l’impact est incertain.

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