Par Ridha Lahmar
En fin de compte, l’efficacité de l’opération est douteuse, car l’accalmie des prix n’est que provisoire tandis que l’écart entre les deux prix est peu motivant. Outre le fait que les moutons importés ne sont commercialisés que dans les quatre ou cinq villes les plus importantes et ne profitent pas à tous les consommateurs tunisiens.
Certes, il y a des abus au niveau des prix pratiqués par les bouchers, tout comme les commerçants en fruits et légumes qui rançonnent les consommateurs, mais il faut également identifier les gacharas, marchands de bétail et grossistes qui se cachent derrière les bouchers, ce sont eux qui font et défont le marché. Les éleveurs, en fait, ne profitent pas tellement de la hausse des prix, car ils sont victimes des aléas climatiques et subissent de plein fouet la hausse vertigineuse des prix des fourrages et des aliments concentrés pour le bétail.
Les demi-solutions, les mesures partielles et de courte durée ne sont pas efficaces, mais sont coûteuses, perturbent le marché et mettent en colère les producteurs. Nous savons tous que c’est la confrontation entre l’offre et la demande qui fait le positionnement des prix sur le marché.
C’est pourquoi il faut agir dans le bon sens, c’est-à-dire augmenter la production et favoriser les éleveurs par différentes mesures incitatives.
En effet, durant les années de sécheresse le prix des fourrages locaux flambe tandis que les ingrédients nécessaires à la fabrication des concentrés pour le bétail sont devenus hors de prix sur le marché mondial. À cela il y a lieu d’ajouter la dégradation de la parité de change du dinar.
Les éleveurs ont donc besoin d’un soutien au niveau des prix du fourrage pour produire plus et mieux, ce qui permettra d’augmenter la production et par conséquent de faire baisser les prix sur le marché.
Ils seront par conséquent moins soumis aux diktats et exigences des gacharas qui font flamber les prix sur les marchés du vif appelés “Rahbas”. Ce qu’il faut savoir, c’est que les gacharas imposent leurs prix aux éleveurs surtout lorsque ces derniers sont en difficulté et ont besoin de rentrées financières pour continuer à nourrir leur cheptel et à sauvegarder leur capital.
Il faut dire que notre pays, dans sa précipitation à réaliser l’objectif d’autosuffisance alimentaire en matière de viande rouge, a favorisé l’élevage hors-sol, ce qui rend notre pays tributaire des importations de fourrage et donc du prix sur le marché mondial du maïs, du soja et de l’orge.
Il aurait fallu en même temps promouvoir la culture des fourrages irrigués pour garantir une certaine autonomie de notre pays en matière d’alimentation du bétail.
Cela n’a pas été fait et constitue une erreur stratégique en matière de développement agricole dont nous payons actuellement le prix. On se rappelle, il y a quelques mois, qu’il y a eu importation à deux reprises de 8000 veaux du Brésil afin de faire baisser les prix. On attend toujours cette prétendue baisse, qui ne viendra probablement jamais, pour la bonne et simple raison que les intermédiaires sont là pour favoriser le contraire.
Il faudrait que l’Office de l’élevage et la société Ellouhoum, qui sont des structures publiques, interviennent pour moraliser, assainir et réguler le marché en constituant des stocks, en soutenant les producteurs, en bonifiant le prix des fourrages et en fixant des prix de référence.