Un enfant victime d’abus sexuel gardera toujours des séquelles importantes de cette agression. Le Dr. Ahlem Belhadj, pédopsychiatre, est formelle à ce propos : « même si les conséquences ne sont pas immédiates, elles vont se déclencher d’un moment à l’autre. En général tous les psychiatres vous diront que plus l’enfant est jeune plus les conséquences sont graves. Celles-ci sont différentes selon que la personnalité de l’enfant est structurée ou pas. C’est vers l’âge de six ans que se construit la personnalité. Donc si l’abus survient chez un enfant avant cet âge, c’est encore plus grave. Et si l’agression est commise par une personne proche, qui est censée sécuriser l’enfant et qui entre dans la dynamique de la structuration, c’est encore plus grave. C’est sûr que le vécu de la sexualité ultérieure se fera avec beaucoup de difficultés. A chaque étape de la vie sexuelle de l’enfant, ça risque d’émerger : l’adolescence, le mariage, l’accouchement. Il restera une fragilité à ce niveau. Ce qui est sûr c’est que ça retentit sur le développement affectif de l’enfant sur le développement scolaire et social. Ajoutons à cela que, si l’entourage culpabilise l’enfant, les dégâts seront plus importants. C’est le cas des adolescentes au sein des familles, elles sont toujours responsables pour les autres. Un enfant qui a vu la famille réagir par rapport à l’agression dont il a été victime, qui a vu le juge prendre position, qui a vu qu’il y a eu une réparation dans la réalité, ce n’est pas le même enfant a qui on a dit tais-toi, qu’est ce que tu racontes, c’est ta faute ».
Le phénomène est fréquent, nous dit Dr Belhadj. Non seulement on n’en parle pas, mais les enfants n’ont pas d’éducation sexuelle, et souvent pensent que c’est dans la nature des choses. Des enfants viennent consulter pour troubles psychiatriques et là on découvre l’abus sexuel. On est face à un enfant avec des troubles qui n’entrent dans aucun tableau clinique classique : ce n’est pas une dépression, ce n’est pas une névrose, on retrouve des symptômes qui viennent de différentes pathologies psychiatriques. Devant une « non concordance » avec une pathologie bien connue et avec des troubles assez évidents qu’on pense alors au non dit, à une histoire refoulée. Mais il arrive que le tableau soit typique, qui évoque un stress post traumatique, de trouble anxieux bien individualisé.
L’expression clinique est très variable selon le sexe de l’enfant. Le développement de la personnalité de la petite fille n’est pas totalement symétrique à celui du garçon, chacun a ses caractéristiques. L’enfance chez les petits garçons est problématique, les problèmes surviennent plus tard chez la fille. Dans les consultations de pédopsychiatrie de part le monde, c’est 2/3 de garçons 1/3 de filles. Après, ça s’inverse. L’agression sexuelle est socialement très mal vécue, par les petits garçons. Il n’y a pas que les facteurs « psy », qui eux-mêmes sont sous l’influence des normes culturelles et sociale, il y a aussi toute la société et ce qui sera dit par les autres ».
S.R