Violence en milieu urbain : la cote d’alerte !

Photo d’illustration.

La violence devient un phénomène de société, elle n’épargne aucun milieu et, plus grave, elle a tendance à prendre de l’ampleur,   à se généraliser et à susciter inquiétudes et lancinantes interrogations. Que ce soit  l’école, en pleine rue, dans les moyens de transport, dans les stades ou ailleurs, sa propagation est un sujet de plus en plus inquiétant, d’autant plus que devant la multiplication de ses différentes expressions, on reste dubitatif, incapable de cerner ses raisons profondes ou de la juguler à la source. Les chiffres publiés récemment par l’Institut des Etudes Stratégiques (ITES) donnent le tournis, dans la mesure où les données sont le fruit d’une étude menée tout au long du mois d’octobre dernier. Le plus inquiétant, comme le note l’étude, c’est la régression du rôle éducatif de la famille et de l’école.
Le mot « violence » est certes, extrêmement général, et l’adjectif « urbaine » n’ajoute rien de plus précis. En pratique, l’expression semble surtout désigner tout ou partie des formes de désordre, de révolte et de délinquance que l’on attribue aux jeunes, ou autre catégorie aux contours vagues. Les enjeux que signalent l’apparition et la banalisation de cette expression dans le débat public.
Au regard de l’étude réalisée par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), la violence en Tunisie a augmenté de manière vertigineuse, notamment après le 14 janvier 2011. Pratiquement, depuis cette date, il ne se passe pas un jour, sans que les médias ne rapportent des violences,  notamment des crimes qui ont gagné en atrocité et en sauvagerie.  Une violence qui prend de plus en plus de l’ampleur, selon l’étude de l’ITES qui affirme que le nombre de plaintes relatives aux affaires de violence et crimes associés, a atteint plus de 600 milles de 2011 à 2016, contre 180 milles, entre 2006 / et 2010.

La violence fleurit dans les quartiers populaires
Outre la recrudescence du crime et de la  violence, le nombre de meurtres a également connu une croissance quelque peu inquiétante. En effet, les affaires liées aux meurtres sont passées de 1000 affaires, en 2010 à 1700 en 2017. Durant les dix dernières années, 66% des personnes impliquées dans des affaires de violence n’ont pas dépassé le niveau secondaire et 95% entre eux ont plus de 18 ans, alors qu’ils ne sont que 5% dont l’âge est moins de 18 ans. L’autre caractéristique qui a accompagné l’aggravation de ce phénomène concerne sa  propagation rapide partout sur tout le territoire où elle a trouvé son terrain de prédilection dans les milieux urbains. L’étude explique cette donne par « la densité de la population dans certains quartiers de la Capitale, dont Douar Hicher, Cité Ettadhamen, El Kram, Sidi Hassine-Sejoumi, ainsi que l’abandon scolaire, la précarité et l’absence d’encadrement de la famille et de l’école ».
De 2006 à 2010,  110 mille procès relatifs à la violence ont été enregistrés dans les milieux urbains, contre 70 mille uniquement, dans les milieux ruraux. Cependant, après 2011, les choses ont empiré, passant en 2017 à 135 mille procès, dans les milieux urbains, et 80 mille en milieu rural.

L’école : un nouveau foyer de violence
Tout en consacrant son étude à la violence sur l’échelle de tout le pays,  l’ITES fait un grand focus sur la violence en milieu scolaire. L’école, censée, être un lieu d’apprentissage et de citoyenneté, est infestée par ce phénomène comme elle le fut par la drogue.
En effet, 14% des cas de violence sont enregistrés dans les établissements scolaires.  La palme est détenue par le Grand-Tunis, considéré comme la zone «la plus violente”. Viennent ensuite Sousse (11%) et Sfax (10%). Les 3/4 des élèves sont, selon l’étude,  des redoublants dont les 2/3 ont de très faibles moyennes au cours de l’année.
Les agissements, qu’ils soient verbaux ou physiques, émanent en premier lieu des élèves, ensuite des enseignants et enfin du corps éducatif.
Ce constat accablant qui confirme la propagation dangereuse de la violence implique plus que jamais qu’on s’y intéresse pour d’abord comprendre les raisons et ensuite trouver les solutions nécessaires. A ce titre, l’étude s›est focalisée sur les facteurs qui incitent à la violence, notamment en milieu scolaire. A ce propos,  quatre facteurs sont considérés comme responsables de l’émergence inquiétante de ce phénomène dans notre société.
D’abord, des facteurs relatifs à la société, notamment la défaillance de l’encadrement familial, due principalement à la faiblesse intellectuelle et culturelle des parents, incapables de surveiller leurs enfants. Mais, aussi, la pauvreté et le sentiment d’exclusion sociale.
Ensuite, il y a les facteurs associés à la famille, qui n’a plus autant de temps à dédier à l’éducation de ses enfants, et encore moins pour leur contrôle et le suivi de leurs agissements auxquels il faut ajouter la quasi-absence d’activités culturelles, sportives et de loisirs.
Enfin, des facteurs relatifs à l’école, notamment la perte de crédibilité dans son rôle en tant qu’établissement d’éducation,  avec notamment, « la généralisation des cours particuliers, les difficultés de communication, le climat de l’école qui peut contribuer à augmenter les troubles de comportement des élèves, l’absence d›activités de loisirs et de divertissement ».
A ces facteurs, s’ajoutent la toxicomanie, le vandalisme, la dégradation des biens publics ou la fraude aux examens.

Quels traitements ?
A cet effet, l’ITES propose une « démarche à la fois participative, préventive et inclusive.
D’ailleurs, les recommandations de l’étude concernent l’importance de la mise en place de mesures urgentes pour le respect des lois et le rétablissement de la dignité du corps enseignant. Mais encore, « la nécessité de renforcer la sécurité de l’établissement en réactivant le rôle de la sécurité nationale tunisienne afin de gérer les conflits et de préserver la paix sociale ». Sans compter l’impératif de mettre en place les moyens techniques nécessaires, à l’instar des caméras de surveillance et l’adoption d’une politique pénale relative à la lutte contre la violence.
Parallèlement, l’organisation d’un dialogue social avec toutes les parties concernées, se profile de plus en plus comme un moyen efficace pour cerner ce problème. Objectifs : mettre en place une stratégie nationale de lutte contre la violence et « consacrer la prévention à travers le développement de la scène culturelle impliquant les maisons de culture, les théâtres et les cinémas ».
D’autres moyens d’intervention sont suggérés, tels que les visites de terrain dans les foyers et les cités universitaires pour apporter un encadrement psychologique, notamment aux victimes de violences.

  N.F

 

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