Les affaires de viol des enfants se sont multipliées en Tunisie. On se souvient encore de l’atroce viol d’un jeune enfant de 11 ans par le gardien d’une école primaire à Kairouan. Un autre drame comparable a eu lieu à Djerba, où un garçon a été violé et brûlé par son tortionnaire de 24 ans.
Comment expliquer la propagation de ce phénomène ? Pourquoi on en parle plus souvent aujourd’hui qu’avant? Dans une déclaration à Réalités Online, Abdessatar Sahbani, sociologue et responsable de l’Observatoire social tunisien, a expliqué le phénomène.
Un phénomène existant
Abdessatar Sahbani affirme que le viol des enfants ne constitue pas un phénomène nouveau en Tunisie, encore moins quelque chose que l’on a observé spécialement après la Révolution. « La seule différence, aujourd’hui, c’est que les médias en parlent et c’est justement depuis la Révolution, grâce à la liberté d’expression. Le phénomène est ancré dans la société tunisienne. Même dans la société traditionnelle, les viols commis sur les enfants existent. Les médias de masse tentent de se procurer ces informations qui touchent profondément l’opinion publique », a-t-il expliqué.
Le sociologue considère que le viol des enfants peut s’expliquer par la banalisation d’autres formes de violences, que l’on peut observer dans les milieux citadins « Il y a la manipulation des enfants dans le domaine des drogues. À partir de là, on passe à la violence physique et, par la suite, au viol. N’oublions pas non plus les enfants engagés dans le commerce parallèle », a déclaré Abessatar Sahbani.
Ce sont les « ado-naissants » qui, d’après lui, subissent la plus grande part des violences, que ce soit le viol ou autre. Les ado-naissants sont, en sociologie, les enfants dont l’âge est situé entre 9 et 15 ans « On ne sait pas trop où les situer : sont-ils devenus adolescents, et donc on peut dire qu’ils ont grandi. Ou alors sont-ils encore des enfants », a-t-il souligné. C’est à cet âge-là, selon le sociologue, que les enfants, pour un bon nombre, sont confrontés aux problèmes de l’abandon scolaire qui peut expliquer la propagation des violences à l’égard des autres enfants. « Ils sont plus de 100 000 et plus du tiers abandonnent spontanément l’école. Ils seront récupérés par la drogue. Nous avons observé de jeunes écoliers, arrivés au collège, incapables d’écrire leurs noms et prénoms. Pour combler leur manque et pour se faire remarquer, ils agressent leurs camarades », déplore le responsable de l’Observatoire social tunisien.
Réformer l’éducation et mobiliser les médias
Autre sujet tabou et dont la société parle peu d’après Abdessatar Sahbani : la violence sexuelle à l’égard des enfants dans le milieu familial. « Il faut en parler car il est fréquent, d’après nos observations. L’absence d’une éducation sexuelle constitue, indirectement, l’une des causes de ces violences », a-t-il expliqué.
Cette même violence, qui conduit aux viols, est également observable dans les milieux scolaires selon le sociologue. « On ne parle plus d’éducation aujourd’hui, mais plutôt d’apprentissage. Il faut éduquer nos enfants sur les bonnes règles de conduite et mettre en place une éducation sexuelle adéquate, comme le font d’autres pays à l’instar du Canada », a-t-il dit, affirmant, de ce fait, que la violence contre les enfants est partout : école, crèches et famille. « Ce que l’on voit dans les rues ne représente qu’une épingle dans une botte de foin », a-t-il regretté.
Un phénomène plus que jamais dangereux
Une éducation sexuelle adéquate s’impose donc, selon le sociologue. Pour ce faire, il estime qu’une réforme profonde du système scolaire doit être faite. Plus encore : Abdessatar Sahbani insiste sur le rôle fondamental des médias dans la lutte contre les violences et les viols contre les enfants. « Il faut multiplier les émissions, notamment télévisées sur le phénomène. Ceci poussera les familles à reconsidérer leurs rapports avec leurs enfants », a-t-il affirmé.
Comme l’affirme le sociologue donc, la Tunisie n’a pas attendu sa Révolution pour prendre conscience de l’ampleur du phénomène du viol des enfants. Outre les médias, les autres représentants de la société civile doivent également se mobiliser pour contenir la propagation d’un phénomène devenu plus que jamais dangereux et qui menace nos enfants.
L’autre intervenant qui doit se mobiliser est bien entendu l’État. Il est le seul à pouvoir mettre en place les solutions juridiques et coercitives nécessaires pour lutter contre les violences faites aux enfants et le viol qu’ils subissent.
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