Par Hajer Ajroudi
Invité par le Président algérien Abdelaziz Bouteflika, Béji Caïd Essebsi vient d’effectuer, sa première visite, en tant que chef d’Etat, en Algérie, comme il l’avait promis durant sa campagne et après son élection.
Une visite d’État telle que voulue par nos frères algériens, qui prend tout son sens et toute sa symbolique, puisque intervenant quatre jours seulement avant la célébration, le 8 févier, de la commémoration des événements de Sakiet Sidi Youssef.
Les relations tuniso-algériennes tirent leur essence dans des liens bien enracinés dans l’histoire des deux pays. Un passé commun, un présent en perpétuel renforcement et un avenir qui servira de socle à la construction maghrébine.
Aujourd’hui, les deux pays ambitionnent d’imprimer un nouveau rythme à leur coopération pour passer à une nouvelle étape, celle d’une coopération stratégique. Cette coopération avec le grand frère voisin, l’Algérie, est, pour la Tunisie, inévitable.
En effet, les relations économiques, historiques et géographiques qui lient les deux pays en sont le ferment.
Béji Caïd Essebsi a conscience de l’importance de ces relations et de leur importance pour les deux pays et ce sur plusieurs plans.
Déjà en 2011, alors Premier ministre du gouvernement de transition, il déclarait à son arrivée à l’aéroport international Houari Boumedienne, « nos frères Algériens sont les plus désignés pour un échange de vues » et expliquait « être venu en Algérie pour informer les autorités algériennes des développements en cours dans son pays et profiter de leurs orientations à ce propos ». Cette visite répondait, également à une invitation du Président algérien Abelzaziz Bouteflika.
Il faut rappeler que l’Algérie était le premier pays à venir en aide à la Tunisie en lui accordant une aide financière de 100 millions de dollars.
En avril 2014, Béji Caïd Essebsi, président de Nidaa Tounes, s’était rendu une nouvelle fois en Algérie et le lendemain même de son élection, tout comme pendant sa campagne, le nouveau président tunisien annonçait son intention de consacrer sa première visite officielle à l’Algérie.
Loin d’être consacrée uniquement au défi sécuritaire auquel sont confrontés les deux pays, particulièrement en matière de lutte contre le terrorisme, la visite du président de la République en Algérie, visait le renforcement des relations bilatérales à tous les niveaux et l’établissement d’une plus importante coopération économique voire un partenariat impliquant les opérateurs des deux pays dans de plus larges investissements transfrontaliers.
Enjeux économiques
Les zones frontalières tunisiennes ayant été les plus marginalisées durant les dernières décennies, sont économiquement les plus démunies. Un taux de chômage élevé, absence de projets rémunérateurs… Tel est l’amer constat. Résultat, de plus en plus de jeunes tombent dans la délinquance ou désertent leurs régions. Ceux qui restent n’ont presque pas ou très peu de perspectives pour leur avenir.
D’où l’intérêt accordé à la vie sur la bande frontalière entre les deux pays et à la dynamisation des programmes et des projets de développement communs qui y sont initiés au bénéfice des deux peuples.
Le projet de création d’une zone de libre-échange, signé depuis décembre 2008 s’inscrit dans cette optique et les deux pays œuvrent depuis 2013 à sa finalisation. L’entrée en vigueur de l’accord préférentiel du commerce bilatéral entre la Tunisie et l’Algérie en novembre 2013 est considérée, comme une avancée majeure dans ce sens.
Cet accord prévoit la définition de listes de produits des deux pays qui seront exonérés des taxes douanières et d’une liste comprenant des produits industrialisés algériens exonérés à hauteur de 40% à leur entrée en Tunisie, outre les exonérations totales pour une liste de 10 à 15 produits agricoles et agro-alimentaires.
Rappelons qu’en 2012, la Tunisie était le deuxième client arabe de l’Algérie et le deuxième fournisseur également. L’excédent de la balance commerciale bilatérale est en faveur de l’Algérie. Les exportations de la Tunisie vers l’Algérie avoisinaient les 407 millions de dollars en 2012 contre 1 milliard de dollars d’importations de produits algériens.
Enjeux sécuritaires
C’est un volet très important de la coopération entre les deux pays confrontés à la menace terroriste. D’où l’importance accordée par les autorités des deux pays à la concertation, à l’échange d’informations et la coordination des actions pour juguler ce phénomène.
En témoigne l’action menée en juillet 2014, à l’initiative algérienne, lorsque 8000 soldats algériens et 6000 tunisiens, rejoignirent les frontières dans une ample et commune opération anti-terroriste visant la traque et le démantèlement de leurs cellules armées installées dans les montagnes. L’opération a été effectuée au nord ouest tunisien, mais aussi du côté des frontières libyennes, important point de trafic d’armes et de transit des terroristes. Cette action a été menée suite à l’attentat dont a été victime l’armée tunisienne et ayant causé la mort de 15 soldats. Néanmoins, la décision d’une collaboration permanente consolidée avait déjà été prise quelque temps avant ce déploiement..
La coopération tuniso-algérienne a aussi comme défi, dans ce cadre, la lutte contre la contrebande. Cette dernière alimente le terrorisme par la logistique et l’apprivoisement alimentaire ou autres fournis aux terroristes en contrepartie de la protection de ces derniers ou, du moins, leur permission de transiter par les zones qu’ils contrôlent, évitant ainsi la douane et les forces de sécurité. La contrebande fragilise aussi l’économie.
Mokhtar Ben Nacer: Le dossier sécuritaire au cœur de la visite
Cette visite est programmée dans le cadre diplomatique afin d’étudier plusieurs dossiers dont le dossier de la sécurité. La lutte contre le terrorisme dans le cadre d’une coopération, l’échange des informations et surtout l’isolement de ces cellules en bloquant, entre autres l’argent leur provenant, en sont les principaux points.
L’Algérie et la Tunisie s’organiseront pour les opérations à effectuer sur le terrain puisque les terroristes se déplacent à travers les frontières tuniso-algériennes. D’ailleurs, cette collaboration existe depuis quelque temps et rien que la semaine dernière l’Algérie a arrêté des terroristes armés sur le point d’entrer en Tunisie.