Par Aïssa Baccouche
En Tunisie, on s’est déjà, depuis 30 ans familiarisés avec les technopoles.
Le premier d’entre eux est celui d’El Ghazala. L’on doit remarquer, à ce propos, que nom est celui de la coopérative qui a réalisé le lotissement dénommé pompeusement « El Madina el Fadhila » sur ce qui était naguère le champ fleuri du village de l’Ariana.
La cité vertueuse chère au philosophe Abi Nasr Al Farabi (872-950) est évidement une vue de l’esprit.
Il n’empêche que ce pôle connait aujourd’hui un rayonnement qui transcende les frontières. Il a été dupliqué dans d’autres régions du pays. Le pari du raccourci technologique est gagné. Pour un pays du sud global qui n’a pas pu s’inscrire dans la révolution industrielle, c’est un exemple de réussite qui vaut le détour.
Le président français Jacques Chirac y a bien mis les pieds lors de l’une de ses visites en Tunisie.
C’est désormais une affaire réglée. Orientons-nous maintenant vers un autre secteur tout aussi vital que les technologies de l’information : l’agriculture.
Le temps est venu, pensé-je, de faire éclore une révolution, comme l’occident l’avait fait en prélude à la révolution industrielle.
Une révolution agricole, en l’occurrence. Cela voudrait dire, un changement radical de paradigme.
Exit l’agriculture de grand-papa ! Il faudrait accoler un attelage ardent à ce bœuf trottinant sur les sillons de cette terre, jadis grenier de Rome.
Oh, nous sourions bien que notre pays se situe dans une zone semi-aride, que la surface utile ne dépasse guère les 9 millions d’hectares dont la moitié seulement sont consacrés à diverses spéculations agricoles, que mille hectares sont menacés chaque année par la désertification, que les précipitations sont rares – 36 milliards de m3 bon an mal an dont on ne retient que le septième, qu’il a profusion de puit non réglementaires etc…
Tous cela fait froid au dos ; mais il n’incite pas à courber l’échine. Un bel épi au vent bascule mais ne rompt point.
Outre que partout ailleurs on pratique l’agriculture en hors-sol, il est admis qu’on peut – et on doit – réaliser des performances dans la production alimentaire moyennant un apport de la science qui n’est pas de toute évidence, assez sollicitée dans notre contrée.
Bien sûr que nous disposons d’une panoplie de centres de recherches des plus avancés selon les témoignages de la communauté scientifique internationale – INRAT, INGREF, l’institut de l’olivier, l’institut du dattier, l’IRA etc…
Mais ce qui est frappant c’est le manque d’interconnexion entre ces institutions d’une part et la levée d’un hiatus avec d’autres intervenants comme les représentants de la paysannerie et le système bancaire censé soutenir financièrement le monde rural.
Produire c’est bien mais valoriser la production c’est mieux. Or dans certains pays similaires au notre, l’on a initié, pour pallier ce cloisonnement, un nouveau mode opératoire : l’agropole.
C’est un « melting – bousting » qui réunit in situ les producteurs, les chercheurs et les pourvoyeurs de fonds.
C’est le cas au Vietnam en Asie et au Sénégal en Afrique.
L’expérience semble concluante quoique perfectible.
L’on pourrait imaginer l’implantation d’agropoles en Tunisie qui seraient réparties comme suit : le Nord-Est (Bizerte, grand Tunis, Cap-bon) qui serait la référence en matière de cultures maraichères et des agrumes. Le Nord-Ouest (Béja, Jendoua, El Kef, Siliana) pour les céréales, le lait et le sucre : Le Centre (Kairouan, Kasserine, Sidi Bouzid) pour l’oléiculture et les arbres fruitiers abricotiers – pommiers – pistachiers – amandiers, le Sahel (Sousse – Monastir – Mahdia et Sfax) pour l’oléiculture, les primeurs, la pisciculture, le Sud-Est (Kélibia, Gafsa et Tozeur) pour le dattier, le Sud-Ouest (Gabès, Médenine et Tataouine) pour l’élevage, les grenadiers et les plantes médicinales. Enfin Zaghouan pour les plantes aromatiques.
Ces agropoles verront la participation convergente des universités, des ministères concernés ainsi que les organismes y afférant à l’instar de l’APIA, du CEPEX et la BNA…
Ils veilleront ensemble de l’émergence de start-ups agricoles 2.0
J’ai bon espoir que grâce au Genève et à la détermination de nos jeunes pousses, la Tunisie redeviendra un vivier resplendissant, à l’exemple des Pays bas dont la population n’excède pas la nôtre et qui est devenu à la force du poignet et du cerveau, champion du monde du lait, des fromages… et des fleurs coupées.