Voyage aux sources: Aller à Kairouan

Quand aller à Kairouan ? L’hiver, il y fait froid ! L’été, il y fait chaud ! Pour le Mouled ou l’Aïd, il y a trop de monde ! Alors, nous vous invitons à une promenade dans Kairouan quand vous voudrez.

Par exemple : au printemps, quand tous les vergers sont en fleurs, ou en automne, quand les « figues de barbarie : les « hendi » sont bien mûres, en hiver aussi, quand les grives se gavent d’olives ; quand cela vous plaira !

Promenade à Kairouan
Par quelque route que vous arriviez, allez d’abord au Syndicat d’Initiative prendre le ticket qui vous permettra de visiter les principaux monuments de la ville puis suivez-nous.
En faisant le tour de la cité par un des « boulevards périphériques », nous revenons sur la route de Tunis, auprès des bassins des Aghlabides.
Les habitants de Kairouan se sont préoccupés, dès l’origine, de l’approvisionnement en eau. En 741, le gouverneur des Omeyyades a fait construire des réservoirs à l’extérieur des remparts. Mais, en 862, l’Emir Abou Ibrahim Ahmad a fait réaliser une merveille : les 2 grands bassins. Le plus petit recevait l’eau qui s’y décantait et remplissait le plus grand par un orifice. Des citernes communiquaient avec le grand bassin. Il était admis que cet ensemble recevait l’eau de pluie, celle des captages des sources et de l’aqueduc dont on voit encore les vestiges dans l’Oued Cherchera à une quarantaine de kilomètres de la ville. Mais des études récentes ont prouvé qu’il recevait surtout des eaux de l’Oued Marguellil. Ces deux bassins, d’une sobre élégance aux parois construites en moellons, renforcés par de multiples contreforts intérieurs et extérieurs pouvaient contenir 50.000 m3 d’eau environ : prouesse à l’époque !

Visite aux « Saints »
Kairouan est, incontestablement, le centre spirituel le plus important du Maghreb, au moins. C’est aussi, le gardien de l’orthodoxie malékite, majoritaire en Tunisie, aussi la cité mérite une longue visite.
Un peu plus loin, allons nous arriver au mausolée d’un illustre personnage : Abou Zamaâ Oubeyd Ibn El Arqam El Balawi, un des compagnons du Prophète. Il a participé aux premières expéditions en Ifriqiya. Il a été tué dans des combats à Jelloula et a été inhumé ici avant la fondation de la ville. Vivement vénéré, il passe pour avoir conservé trois poils de la barbe du prophète qu’il a emmenés dans sa tombe.
Ce magnifique édifice, qui lui est dédié, comprend le mausolée édifié sous le règne de Hammouda Pacha en 1665, le minaret et la medersa qui ont été construits sur ordre de Mohamed Ibn Mourad de 1685 à 1690 ainsi que les annexes.
Les carreaux de faïences polychromes tapissant les murs, les stucs ouvragés des plafonds ainsi que les bois peints, les arcades élégantes qui ceinturent la grande cour, l’agencement architectural, tout justifie amplement le rôle important que cet ensemble continue à jouer.
Quelques rues plus loin, on découvre, la zaouïa et le musée qui abrite le tombeau de Sidi Amor Abada. C’est le plus vaste et le plus curieux monument de ce type de la ville. Il est coiffé de cinq coupoles. Enfant de la tribu des Ouled Ayar, mort en 1856, il est inhumé dans le mausolée qu’il s’était fait construire. Ses prémonitions, ses prédications, ses textes souvent hermétiques ainsi que le gigantisme du mobilier commandé ou exécuté sous son contrôle, étant forgeron, surprennent les visiteurs arrivant à la « mosquée des sabres ».
En se rapprochant des remparts, on passe à côté de la mosquée zeïtouna puis devant Bab Jédid et on remonte le long de l’ancienne enceinte jusqu’à la mosquée de la rose. A une époque, Kairouan comptait, parait-il, trois cent mosquées dont beaucoup étaient des oratoires de quartier.
Nous tournons à gauche, vers la Place des Martyrs appelée aussi Place du Commandant Béjaoui et nous entrons dans la médina.

Promenade en médina
A peine, passée la grande porte double, la foule vous submerge. Les magasins se succèdent, les boutiques vendant du pain ou des gâteaux embaument, aussi le calme, la pénombre et le parfum du thé baignant les salles du Bir Barouta, le plus ancien des puits, découvert parait-il par la levrette de Oqba Ibn Nafaâ sont-ils reposants. Son eau communiquerait avec celle de Bir Zem-Zem, le puit sacré de la Mecque, dit la légende !
Puis, on revient sur nos pas pour découvrir la zaouïa de Sidi Abid. Son fondateur Cheikh Abou Oubeyd Abdallah Mohamed Ibn Abdallah Ibn Abdelaziz El Sabaï est mort en 1386. Son successeur, un de ses disciples : Abou Samir Abid a poursuivi sa tâche et fut inhumé dans cette zaouïa en 1402. Le mausolée est magnifique. Restaurée encore récemment, la zaouïa de Sidi Abi El Ghariani retient les visiteurs.
Un peu plus loin, on rejoint la « mosquée aux trois portes ». Parmi les mesjid ou oratoires de quartier, la mosquée édifiée par Mohamed Ibn Khayroun El Maâfiri, originaire d’Andalousie, a gardé une superbe façade à trois portes, en pierres sculptées, d’époque aghlabide. Des frises épigraphiques courent le long de la façade.
Nous avons retrouvé la rue Zoukhbar où se trouve (se trouvait) un très ancien hammam qui a été restauré et dont une partie aurait été transformée en un restaurant remarquable. Nous ne l’avons pas découvert et nous avons suivi le rempart jusqu’à Bab El Khoukha pour aller jusqu’à la Grande Mosquée : terme et point d’orgue de notre visite.

La Grande Mosquée
Fondée par Oqba Ibn Nafaâ, la Grande Mosquée de Kairouan est la plus ancienne, la plus prestigieuse et le plus beau, à notre avis, des édifices religieux du pays et sans doute du Maghreb. Elle a conservé son aspect des premiers siècles de l’Hégire.
Son architecture, la diversité des formes de son ornementation, son mihrab, son minbar, sa maqsûra où les princes se retiraient pour prier, la richesse des sculptures de ses portes, ses plafonds, sa cour dallée de marbre, la majestueuse puissance de son minaret en font un sanctuaire vénéré important et un musée d’art islamique. Certes, ce sont les émirs aghlabides qui lui ont donné sa configuration actuelle. Mais malgré certaines vicissitudes : la révolte de Koceila, la conquête hilalienne, les négligences des fatimides, la perte de son rôle de capitale, temporairement au profit de Mahdia, puis définitivement de Tunis, Kairouan a toujours conservé son rôle de ville marchande et pratiquement tous les dirigeants du pays ont pris soin de la Grande Mosquée.
Au terme de cet article, nous constatons que nous avons omis de parler de l’errance, entre Bir Barouta et la zaouïa de Sidi Abid El Ghariani, dans les souks de Kairouan. L’art féminin de la laine qui a d’abord été sans doute, un don affectueux : le burnous de l’époux, le tapis de la fille, la couverture, le hayek de la parente, est avant tout patience et persévérance. Il s’épanouit dans les souks.
Kairouan est aussi, encore, la ville des ferronniers avant d’être celle des mécaniciens et des usines qui enlaidissent les faubourgs. Elle est, et surtout laissez-vous aller, la ville des « makroudh » traditionnels qui se dégustent à petites bouchées pour en apprécier, comme, les multiples charmes de la cité, toutes les saveurs : celles du miel, puis celles de la pâte blonde et enfin celles des dattes parfumées.
Aller à Kairouan, c’est voyager dans l’Ifriqiya.

Related posts

Lycées et collèges pilotes : La capacité d’accueil fixée

La situation préoccupante des oiseaux migrateurs en Afrique du Nord

Plus d’une dizaine de milliers d’embauches prévues dans le secteur automobile