Le sculpteur Giuseppe Penone a installé dix-neuf sculptures dans le parc de Versailles et trois dans le château.
A la fin des années 1960 se constitue le mouvement italien de l’Arte Povera : Anselmo, Kounellis, Merz, Pascali, Pistoletto à qui le Louvre vient d’accorder une exposition d’envergure intitulée Année 1, le paradis sur terre.
A dire vrai, les instigateurs d’Arte Povera ont d’emblée repoussé le qualificatif de mouvement pour lui préférer celui d’attitude : pratiquer l’art pauvre c’est, du moins à l’origine, narguer la culture et la société de consommation, privilégier le geste créateur au dépens de l’objet fini et employer des matières ordinaires : de la terre, des chiffons, du sable, du bois, du goudron, de la corde…
Penone, né en 1947 dans le Piémont, a mis de côté à 22 ans un diplôme de comptabilité pour rejoindre l’Arte Povera avec comme matériaux primordiaux l’arbre et la pierre. Son travail, dit-il, a toujours été d’essayer de comprendre leurs propriétés et de suivre leurs suggestions : la seule différence, entre le bois et la pierre, c’est que, dans le bois, un arbre et un seul est enfermé alors que, dans la pierre, les directions possibles sont plus nombreuses.
Il faut convenir de la continuité de sa démarche : une de ses premières œuvres a consisté d’abord à photographier sa main saisissant un tronc d’un jeune arbre puis à insérer un moulage en bronze de sa main au même endroit.
Penone a entrepris un dialogue avec la nature qui s’est poursuivi sous la forme de sculptures plus réfléchies : moulages d’arbres, troncs évidés, grumes dont sont conservés les nœuds, cernes de croissance découpés pour qu’apparaisse le jeune arbre dans le plus vieux…
Mais avant de voir comment s’enracinent dans les jardins conçus par André Le Nôtre les propositions de Penone, une remarque de contexte doit être posée.
Penone succède à Jeff Koons, Takashi Murakami, Bernar Venet, Joana Vasconcelos.
Versailles s’est ouvert aux créateurs vivants avec l’objectif de produire auprès du public réactions et réflexions, tenter l’expérience de la confrontation de notoriétés neuves et classiques.
Depuis d’autres institutions se sont essayées à l’exercice. Sans cependant, que les lieux d’art contemporains songent à exposer, comme par un juste retour des choses, des pièces anciennes.
A Versailles, la confrontation a été ressentie par certains comme vulgaire, un affront délibéré à l’intelligence et l’invasion par un art cosmopolite et mercantile.
L’évocation de l’autoportrait de Jeff Koons en marbre scintillant dans la Chambre du Roy et de ses sex toys proposés à la boutique des souvenirs, de petits samouraïs roses de Takashi Murakami, du carrosse futuriste violet dérapant sur les pavés de Xavier Veilhan, du monumental lustre de Joana Vasconcelos en tampons hygiéniques et des arcs en acier de Bernar Venet autour de la statue équestre de Louis XIV, provoquent encore des aigreurs chez les fervents de l’ordre Grand siècle.
En d’autres termes, l’œuvre de Penone, d’un abord simple même si elle possède plusieurs niveaux de lecture, d’une séduction évidente et paisible, marque le pas dans la confrontation.
On pourra faire l’économie d’une visite aux œuvres installées dans le château (Respirare l’ombra, des feuilles de thé dans la salle des Gardes du Roy, des feuilles de laurier dans la Loggia de la Reine) : elles sont malaisées à trouver et, manifestement, c’est avec les venelles géométriques des allées, les bassins et les fontaines, les grandes perspectives du bassin d’Apollon et au delà du Grand Canal que Giuseppe Penone a préféré composer.
Il y a deux groupes d’œuvres.
Les premières dans l’axe central commencent dès la terrasse. Espace de lumière (2008) est un tronc évidé de bronze, tronçonné en sept segments, à l’horizontal, portés par leurs branches. L’intérieur du fût est doré et joue avec les rayons du soleil.
Le regard se porte ensuite vers deux hauts bronzes qui ont été moulés sur un cèdre du parc abattu lors d’une tempête de 1999 et qui aurait été comme séparé dans la longueur en deux moitiés. Elles entourent, protègent peut être, un jeune frêne.
Les secondes sont à l’écart, dans les bosquets de part et d’autre de la longue pelouse baptisée le Tapis vert. Dans le bosquet de l’Étoile, une prairie circulaire cachée des regards, un arbre mort (en bronze encore) est suspendu au-dessus de la terre entouré d’arbrisseaux.
Penone est avare d’interprétation : la poétique et la symbolique opèrent ou non. Aux questions, il répond par des détails techniques, l’origine de l’arbre, le type de moulage ou les opérations de fonte et de mise en place.
L’autre jour, un garçonnet qui avait jusque là sagement suivi la visite, s’est mis à courir derrière un papillon.
Et, Ils n’étaient plus que tous les deux.
Grâce soit rendue aux papillons.
Robert Santo-Martino (de Paris pour Réalités)
*Penone
Château de Versailles
jusqu’au 31 octobre