Jeudi 18 septembre 2014, toute compétence humaine tunisienne désireuse d’apporter son expérience et son savoir à son pays, la Tunisie, a été priée de se rendre au Forum de l’Association des Tunisiens des Grandes Écoles qui s’organise en ce moment. L’ATUGE c’est l’espace de réflexion et de débat. L’ATUGE, c’est un générateur d’idées. Dans cette 23e édition du Forum, l’ATUGE, plus de 3.000 chefs d’entreprises, cadres supérieurs confirmés, jeunes cadres actifs, jeunes diplômés et universitaires débattront de l’actualité du moment : la relance de l’économie tunisienne. Est-elle possible ? Quelles en sont les voies ? Quel modèle économique faut-il pour la Tunisie de demain ? Walid Kalboussi, Président de cette 23e édition du Forum de l’ATUGE, nous donne les grandes lignes de cette édition et des actions de son association pour l’avenir de la Tunisie.
Il y a vingt-quatre ans, l’Association des Tunisiens des Grandes Écoles avait pour mission «d’accueillir en France les étudiants tunisiens des classes préparatoires et des Grandes Écoles et les aider dans leurs démarches et leur intégration». Aujourd’hui, l’ATUGE est devenue une association internationale qui milite dans une optique plus large. Comment est l’ATUGE d’aujourd’hui ?
L’ATUGE se place en tant qu’agitateur d’idées, forte de la présence de ses membres dans tous les rouages de la société, elle essaie de faire avancer les débats dans tous les domaines. Pour cela et afin de donner plus de visibilité et de lecture à nos actions, nous avons axé nos travaux dans trois domaines d’intervention : la citoyenneté, qui est une valeur première chez tout atugéen, le rayonnement, qui nous permet d’être aussi sur le devant de la scène sur des sujets d’actualité ou de grande importance et le réseautage, qui permet à notre association de répondre aux besoins de ses adhérents. Si l’occasion m’est permise ici, je reviendrai plus en détails sur la mécanique qui schématise bien, à mon avis, le fonctionnement de l’ATUGE d’aujourd’hui. La citoyenneté nous permet d’œuvrer dans deux domaines de prédilection qui sont l’éducation, grâce à des actions telles que Rev-Educ et l’emploi, grâce à nos actions en matière d’employabilité. Notre rayonnement nous permet d’aborder des sujets qui concernent les grands défis économiques et la situation par laquelle passe notre pays. Nous essayons d’offrir les conditions de réussite aux jeunes atugéens qui s’installent en France pour poursuivre leurs études et de rapprocher l’entreprise tunisienne de nos adhérents afin de créer des opportunités de retour au pays de ces derniers…
L’ATUGE est l’espace où l’on peut rencontrer le plus grand nombre de Tunisiens hautement diplômés. Quelle évaluation donnera l’ATUGE sur ces compétences humaines tunisiennes ?
De la compétence, il y en a parmi les Tunisiens, dans tous les domaines et à revendre ! …Un peu partout et pas seulement chez les atugéens. Nous sommes fiers et ravis que notre association capte et attire aujourd’hui des personnes qualifiées qui ne partagent pas avec nous le même cursus scolaire, mais qui partagent avec l’Atuge des valeurs encore plus importantes qui sont la volonté de construire un lendemain meilleur pour la Tunisie et qui sont disposées à offrir leur temps pour leurs concitoyens… Ceci nous mène à dire que contrairement au message défaitiste alimenté et entretenu, nous considérons que nous disposons aujourd’hui d’un vivier de compétences et de bonnes volontés tunisiennes qui reste largement sous-exploité …
Quel positionnement occupent les compétences tunisiennes expatriées à l’étranger et quel regard portent-elles sur la Tunisie d’après la Révolution ?
Vous savez, on ne peut pas se juger soi-même objectivement, mais je peux vous assurer que nos Tunisiens brillent dans tous les domaines à Londres, à Paris aux États-Unis et de plus en plus au Moyen-Orient ou en Asie… Et ce, dans la finance, les nouvelles technologies, le consulting ou l’industrie. Si je dois mettre un bémol pour que mon message soit plus nuancé, je dirais que ce qui manque aujourd’hui, peut-être, à cette élite c’est de se lancer un peu plus dans l’entrepreneuriat. Nos bons élèves ont été un peu trop séduits par les carrières et les voies royales dans les banques et les groupes multinationales. Un rééquilibrage doit se faire afin de voir naître les PME qui deviendront les multinationales de demain… Le rêve n’est pas interdit…
«La Tunisie, les voies de relance», c’est le thème choisi pour cette 23e édition du Forum de l’ATUGE. Pourquoi ce choix ? Et quelles sont les voies de relance selon l’ATUGE ?
Tout d’abord je préfère vous dire que ce choix n’a rien d’extraordinaire ou de créatif. Je dirais qu’il s’est imposé presque comme une évidence… Si nous regardons les choses avec un minimum de lucidité et d’objectivité, nous pouvons dire que notre pays a fait une réelle avancée en matière de débat politique et de liberté d’expression et que nous sommes en train d’instaurer une réelle démocratie que nous souhaiterions durable… Tout ceci a eu un coût et un coût économique élevé… Il n’est plus un secret pour personne que tous les indicateurs économiques sont dans le rouge : le déficit budgétaire, l’inflation, le déficit commercial… Nous en sommes au point où nous pouvons avoir peur pour cette démocratie naissante ou, a minima, avoir peur pour sa perception chez le citoyen tunisien. Nous considérons ainsi que notre rôle, en tant qu’acteur de la société civile et acteur du moteur économique, est de la protéger en trouvant les moyens d’arrêter l’érosion sociale et de créer les conditions d’une nouvelle croissance équitable et créatrice de valeur ajoutée sociale
Quels sont les objectifs de cette édition qui semble être particulière de par le thème choisi ?
Le format du Forum nous permet de viser comme tous les ans plusieurs objectifs. Bien sûr, il y a le thème que nous allons décliner en plusieurs sous-sujets pour donner notre vision des moyens et des relais de croissance. Je peux ici détailler quelques aspects de cette vision. Tout d’abord nous parlerons de la consolidation et la valorisation du facteur humain, car nous considérons que dans une économie ultra-mondialisée, où nous ne disposons pas vraiment de ressources naturelles, nous n’avons pas le choix et nous devons continuer de miser sur le facteur humain… Nous parlerons également des capacités des entreprises tunisiennes à exporter et en particulier en Afrique. Enfin nous aborderons un cas pratique qui concerne l’industrie de la santé pour explorer les contraintes et les facteurs de croissance d’une telle industrie. Pour clôturer, nous aurons une discussion sur l’image de la Tunisie, comment l’utiliser pour la transformer en avantage compétitif économiquement parlant.
En dehors du sujet de la relance, le forum offre bien sûr la possibilité à des entreprises désireuses de recruter ou de rentrer en contact avec nos visiteurs nouvellement diplômés… Le forum offre un espace networking et un village associatif… Je souhaite à toutes vos lectrices et à tous vos lecteurs la bienvenue !!
La Tunisie s’est déjà engagée dans des réformes structurelles dans plusieurs secteurs. Pensez-vous que ces réformes dessineront le nouveau modèle économique de la Tunisie de demain ?
Plusieurs oui, mais pas assez à notre goût. Il est indéniable que les grands chantiers n’ont pas été encore entamés… Notre pays a besoin de réformes fiscales, de revue de l’incitation à l’investissement, d’un cadre encore plus volontariste pour le partenariat public-privé, d’un modèle de gouvernance au niveau des régions qui aille jusqu’au bout de ce qui a été réfléchi au niveau de la Constitution, d’un modèle économique de l’État plus viable qui rationalise les dépenses et qui mette un cadre clair et définitif à la vocation de l’État et de son domaine d’intervention. Nous sommes conscients que ces chantiers ne peuvent être abordés que par un gouvernement ayant la légitimité et l’ancrage nécessaire, pour cela nous attendons impatiemment les prochains rendez-vous électoraux afin de voir définitivement le pays sur les rails du changement. Ceci étant dit, cela n’empêche personne de présenter ses projets et ses idées pour le futur du pays. Les débats actuels sur le modèle offshore, sur la place de la consommation interne dans la croissance, sur l’importance que doivent prendre certains secteurs dans notre économie, sur le choix de nos partenaires stratégiques… Sont des sujets nécessitant une réelle maturation et les entamer d’ores et déjà me semble une excellente chose.
L’envergure internationale de l’ATUGE est un atout incontournable pour promouvoir le site tunisien à l’étranger ? Comment fait l’ATUGE pour faire bénéficier la Tunisie de cet avantage ?
Tous les atugéens vivant et évoluant à l’étranger sont au service de cette image. Je remercie, à cette occasion, l’ensemble de nos membres qui n’arrêtent pas d’améliorer la perception de notre économie et qui s’investissent pour créer des opportunités d’affaires au bénéfice de notre pays. Ceci a eu lieu dans le domaine de la finance avec notre réseau se trouvant à la “City” pour lancer des contacts afin d’étudier la possibilité de délocaliser certains services des banques londoniennes en Tunisie, dans le secteur de l’enseignement supérieur, ce qui a poussé certaines universités prestigieuses à Paris de venir s’installer en Tunisie… et dans plusieurs autres domaines tout au long de la vie de l’association… Ce sont des efforts personnels fournis sous l’égide de l’Atuge qui peuvent donner, in fine, de grands résultats dont nous sommes réellement fiers…
Najeh Jaouadi