Week-end Andalou

 

 

Si certains d’entre nous, se demandent : « quoi faire ce week-end ? », nous les invitons à nous suivre dans un périple nous conduisant à la redécouverte de « l’héritage andalou », durant un week-end.

Depuis la chute de Valence, aux édits de Philippe III les chassant d’Espagne, plusieurs dizaines de milliers de musulmans – et de juifs ! – espagnols venus se réfugier en Tunisie, ont laissé des « empreintes » importantes qui font encore l’admiration des visiteurs.

 

Au Sud de Tunis

Quand on évoque les Andalous, tout le monde cite, avec raison, Testour. Soit ! D’autant que nous avons entendu dire que la remarquable horloge du minaret de la Grande Mosquée vient d’être restaurée.

Au-dessus du toit de ce bâtiment, aux tuiles « rondes », couleurs de cuivre vieilli, émerge une magnifique coupole, surmontée d’un lanternon par où passe la lumière éclairant l’intérieur du monument.

Au nord, se dresse un splendide minaret dont l’architecture et la décoration sont empruntées à la renaissance espagnole. La cour, ceinte d’un péristyle aux colonnes et aux chapiteaux antiques, abrite un cadran solaire qui fonctionne parfaitement. La majestueuse salle de prière, forêt de colonnes, est partagée par une travée centrale qui mène à un mihrab remarquable. Il est surmonté d’un fronton triangulaire qui reflète une influence européenne indéniable.

Au sortir de la Grande Mosquée, on peut passer quelques instants dans le très ancien hammam qui lui est contigu ou descendre jusqu’aux berges de la Medjerda pour questionner l’artisan qui fabrique des briques « andalouses ». Elles ornent encore les façades des maisons modernes.

On se doit d’aller jusqu’à la « maison de Habiba Msika » assassinée par un amant fou. Son architecture et sa décoration sont pleines de charme.

En traversant la ville, dont le quadrillage des artères rappelle l’influence andalouse, on rencontre de magnifiques minarets. Au temps de sa splendeur, Testour en comptait cent, dit-on !

Et on arrive à la zaouïa Garouachi construite en 1736. Sa courette fraîche, plantée d’un oranger qui embaume, les fines colonnettes du péristyle qui l’entoure, les zliz très anciens, les stucs ouvragés de la coupole de la koubba, tout conspire à composer un tableau harmonieux.

Mais, pendant le déjeuner que l’A.S.M. de Testour, prévenue à temps, peut organiser à partir de mets typiques – les gâteaux, en particulier, sont un régal ! – on se souviendra qu’on est passé très vite, devant le pont en pierres de Medjez El Bab et la mosquée de Sloughia. On s’y arrêtera une autre fois.

Il est plus que temps de repartir, par de petites routes charmantes vers Goubellat, le Jebel Rihane boisé, El Fahs aux blés d’or, le mont de Jupiter : le djebel Zaghouan et la cité blottie à ses pieds depuis l’aube des temps.

Zaghouan berbère puis romaine a été « revivifiée » par l’arrivée des Andalous. Les placettes ombragées, les fontaines plaquées de faïences polychromes, les toits de tuiles romanes, les ruelles étroites coupées de « Sabbat » qui conduisent l’eau courante, les séances de poésies mystiques, accompagnées d’une musique originale, les cultures nouvelles : tout reflète l’influence andalouse.

La promenade nous conduit à la zaouïa de Sidi Ali Azzouz, fondateur et protecteur de la ville. Ce monument est remarquable par sa coupole pyramidale, couverte de tuiles vernissées, sa porte monumentale, la qualité de la dentelle de ses stucs ciselés et ses murs tapissés de faïences aux couleurs vives.

Vite, prenons le thé sous les grands arbres en dégustant les « Kaak » parfumés à l’eau de « nesri ». Nous reviendrons admirer les coupoles immaculées du sanctuaire de Sidi Tayaa et déplorer qu’on laisse s’écrouler les deux derniers moulins à eau.

Très vite nous rejoignons le bourg de Oued Zid. Nous en avons le temps. Sinon, on regagne Tunis directement. Par Oued Zid et  Grombalia, on rejoint Soliman. Le minaret de sa grande mosquée et les derniers vestiges du quartier andalou, qui l’entoure, méritent une visite.

Vers le nord

On empruntera la « nationale 8 » avec profit car dès la sortie de Tunis, on saluera ce qu’il reste de l’élégante Sebbalet Sahib Ettabaa, du nom de son constructeur, appelée aussi Sebbalet Ben Ammar.

Puis, on arrivera devant un magnifique pont en pierres à 7 arches qui n’enjambe plus qu’un marais, alimenté par la pluie : la Medjerda a été détournée. Il semble avoir eu le même architecte que le port de Medjez. Il porte encore gaillardement la route menant à Kalaat El Andalous. Scipion a installé en 204 avant J.C., son camp sur ce promontoire que baignait la mer, dans l’Antiquité : Castra Cornelia. Rien ici hélas, si ce n’était l’habit traditionnel original des femmes, ne parle des Andalous. Les curieux seront bien déçus.

Après Monsieur Slimane Mustapha Zbiss en 1955 et Monsieur Abdelhakim Gafsi en 1993, l’I.N.P. n’a rien trouvé d’intéressant à publier à propos des Andalous ! Pourtant, au moins les habits traditionnels des femmes de Raf-Raf, l’agriculture régionale et ses derniers murets de pierres sèches ainsi que l’histoire de Ghar El Melh illustrée par ses forts, son port, son arsenal auraient dû susciter des vocations.

Même Bizerte n’est pas beaucoup mieux traitée. Le « Guide Bleu » affirme qu’une heure suffit pour visiter cette ville. Une heure pour faire le tour du « Vieux Port » qui s’ensable, à cause de la « Marina », visiter la « Grande Mosquée » datant du XVIIe siècle, descendre par la rue des Armuriers et le souk des forgerons jusqu’à la place du marché au pied de la Kasbah.

La visiter ainsi que le Fort El Hani voisin, puis errer dans le quartier des Andalous, un peu « négligé » et remonter vers l’énorme « Fort d’Espagne » construit par le Raïs Eulj Ali en 1570-73 et transformé en théâtre de plein air, jeter un rapide coup d’œil sur la très belle fontaine du Dey Youssef, place Bouchoucha exigerait, pour n’y rester qu’une heure, qu’on visite Bizerte au pas de course !

Pourtant, on prendra le temps d’y déjeuner et si on n’en a pas profité à Ghar El Melh, il faut aller déguster des grillades de poissons frais aux alentours du vieux port plutôt que d’aller dans de grands restaurants qui font honneur à la ville.

Et puis, comme le temps passe vite, après avoir bu un thé vert sous des voûtes « andalouses », auprès des quais, on filera vers Menzel Bourguiba, Mateur et El Battan. Ce bourg doit son nom au mot espagnol Batàn : moulin à foulon. On y entre en passant sur un grand pont barrage, doté d’écluses, construit sous le règne de Youssef Dey (1610-1637). L’eau de la Medjerda devait irriguer les plantations d’oliviers voisines et faire « tourner » l’« usine à chéchia » construite à gauche du pont. Elle n’a jamais été fermée depuis ! Les chéchias sont toujours teintes avec des colorants naturels !

L’immense caserne de cavalerie construite à droite du pont, annexe du magnifique haras qui s’étend, de l’autre côté de la rue, nous rappelle que la Tunisie est un pays de cavaliers : les Numides qui montaient d’extraordinaires chevaux « d’extérieur » : le cheval barbe pour ne pas dire berbère. La France en importait des milliers pour sa cavalerie militaire. Un Président algérien a offert un étalon magnifique au Président Giscard : le plus beau cadeau que l’Algérie puisse offrir !

Mélancoliquement, au soir d’une belle promenade, on traversera Jedeïda en pensant que, naguère, les princes s’y faisaient construire de magnifiques résidences rurales, aujourd’hui disparues, et l’on arrivera à Tunis en se promettant, nous l’espérons, de faire au moins une longue visite aux monuments andalous construits dans la médina de Tunis et que nous n’avons pas vus depuis … longtemps.

 

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