Week-end au Sahel:Des rivages enchantés

 

Par Alix Martin

Depuis, 40 siècles, au moins, dirons-nous, les niveaux marins ont beaucoup varié, comme l’indiquent les différentes terrasses « tyrrhéniennes », de l’ère quaternaire, bordant les plages. Ils ont sans doute « noyé » les plus vieux sites préhistoriques, de cette région qui s’étend sur une centaine de kilomètres depuis Hergla jusqu’à La Chebba. Elle a été peuplée, sans discontinuité, semble-t-il.

Quel charme nimbe les rivages du Sahel ? Cette promenade est tellement riche qu’il faut absolument la découper, au moins, en trois parties : Hergla-Sousse, Sousse-Békalta, Ras Dimas-Ras Kapoudia / La Chebba.

Des plages de rêve

Les plages du Golfe de Hammamet s’étendent sans discontinuité au Sud d’Enfidha. Il y a quelques années encore, c’était un paradis. De longues sebkhas les séparent du continent et dissuadaient la foule des baigneurs. Cette immense plage de sable fin est souvent bordée de petites falaises découpées par l’érosion en une guirlande de petites criques. Orientées vers l’Est, elles abritaient de leur ombre courte de rares baigneurs et quelques pêcheurs à la ligne, qui disposaient d’une Méditerranée transparente, bordée là-bas, très loin, par la Phénicie.

Ces temps derniers, Hergla, qui n’était qu’un petit bourg apprécié des connaisseurs est devenue une véritable station balnéaire sans perdre complètement son charme.

Si les pauvres vestiges de l’antique Horrea Caelia et ceux d’un ribat sans doute aghlabide s’effacent, on pourrait retenir que des géologues très connus ont écrit : « les environs d’Hergla méritent de devenir un site classique du Tyrrhénien de la Tunisie ». Quand on sait que 40% des touristes étrangers s’intéressent vivement à la géologie, combien viendront dans la région d’Hergla qui est menacée d’être placée sous le vent des pollutions, inévitables, de la zone industrielle qui doit entourer « le port en eau profonde » à construire au voisinage d’Enfidha ? Nous avons déjà écrit que ce projet était une erreur économique et écologique. Pour procurer du fret aux bateaux qui y viendraient, il faut rajouter une « Zone industrielle » !

Quel sera le charme du port d’El Kantaoui et de Chott Mériam quand ils seront saupoudrés par les « particules » de fumée de cette zone industrielle ? De quelle couleur sera la mer à Sousse quand on sait que l’eau des plages de Chaffar et de Mahrès près de Sfax, pas très industriel pourtant, sont marron clair ? Les technocrates, imbus de leur savoir livresque, sont-ils allés voir ? Quelles conséquences pour le golfe le plus poissonneux du pays ont les usines de Gabès ?

Bref, promenons-nous encore quelque temps avec plaisir, le long des quais de port El Kantaoui. Les beaux bateaux amarrés font rêver à des voyages lointains.

Pourquoi le cabotage côtier touristique n’est-il pas pratiqué alors que tous les 20 à 30 kilomètres – 3 heures de route à 5 nœuds ! – s’ouvre un port curieux et intéressant ?

Nous arrivons à Sousse : la perle du Sahel ! Trop connue pour être présentée. Hadrumetum punique connût un essor remarquable à l’époque romaine. Aucun fait ne marque les périodes Vandale et Byzantine. Mais, dès l’époque Aghlabide, elle devient une ville maritime, fortifiée et riche que les Hilaliens ruineront. Tour à tour, prospère puis ruinée par les luttes dynastiques et la répression du Général Ahmed Zarrouk en 1846, elle n’est plus qu’une bourgade lors du débarquement des Français en 1881. Sa magnifique médina est pourtant classée par l’U.N.E.S.C.O.. Ribat, Grande Mosquée, Kasbah, remparts, leurs architectures ont été pensées en fonction des besoins militaires. Elle peut retenir longuement des visiteurs curieux qui trouveront à Sousse de quoi satisfaire toutes leurs fantaisies en matière de logement et de restauration, sans parler du magnifique musée !

 

Sur les pas de césar

En 47 avant J.C. Jules césar débarque au Nord d’Hadrumetum / Sousse, en décembre. Il contourne la cité et va s’installer à Ruspina / Monastir. Nous suivons le littoral bordé par de magnifiques salines, paradis des oiseaux d’eau. Nous longerons l’aéroport et les constructions de Skanès en regrettant que des Autorités incultes et revanchardes n’aient pas protégé le « palais » : la résidence de l’ancien président Bourguiba.

Dès l’arrivée, Monastir offre ses plus beaux atours. Une belle marina, protégée par les îles creusées de tombeaux rupestres, le majestueux ribat qui faisait partie d’une chaîne de fortifications de ce type, abritant des « moines-soldats » et la magnifique esplanade précédant le mausolée du Président Bourguiba.

Grâce à la l’agriculture d’un riche arrière-pays, à l’arrivée des musulmans fuyant la reconquête de la Sicile, à la « fuite » des Kairouanais et peut-être même à l’exode des « Mahdaouis » échappant à la prise de leur cité par les Normands en 1148, Monastir se développe et s’enrichit. Passez un petit moment sur les quais du vieux port et laissez-vous « bercer » par leur charme !

Toute la région est hantée par le souvenir des Campagnes militaires : en 533 le Général byzantin Bélisaire débarque à Thapsus / Békalta pour combattre les Vandales. En 1183 Roger II de Sicile est battu par le Ziride Hassan Ibn Ali Ibn Yahya. Le ribat de Sidi El Ghedamsi et les vestiges de celui de Lemta / Leptis minor en sont les preuves.

Lemta est certainement d’origine libyco-punique. Après avoir été chef-lieu militaire romain, puis byzantin, elle est supplantée par Mahdia et n’entretient plus qu’un ribat.

Actuellement, son musée est magnifique. César, ayant reçu des renforts d’Italie, peut au printemps 46, investir Thapsus / Békalta et battre l’armée des Pompéens romains, alliés au dernier roi de la Numidie : Juba. Thapsus / Békalta est célèbre pour l’énorme môle que César y a fait construire. Actuellement, la mer le recouvre peu à peu, mais, cette cité se développe rapidement. Elle rejoint Lemta pour ne former qu’une ville. Sa nécropole carthaginoise est vraiment unique.

Après Ras Dimas, on arrive au Cap Afrique qui porte Mahdia. Faites le tour de la vieille ville en commençant par le littoral Nord qui se modernise. Allez lentement flâner au bout de la presqu’île qui est un musée à ciel ouvert. Visitez le Borj El Kébir en admirant le cimetière marin. Allez voir la Grande Mosquée massive et austère. Puis, après avoir admiré l’énorme Skifa Kahla, entrez dans la vieille ville, observez boutiques, maisons patriciennes, mosquées et allez vous asseoir pour vous reposer à l’ombre sur la place du Caire. Mais, ne manquez pas le musée très intéressant !

Si vous disposez d’un week-end de vacances, vous pouvez, éventuellement, couper la promenade en deux et faire une halte à Monastir. Vous n’y manquerez de rien. Mahdia est tout aussi bien équipée : en hôtels, en restaurants, en plages, en artisans et en vestiges historiques.

 

La fin du voyage

En suivant encore César, on arrivera à Salakta. Son petit musée au bord de la mer, sa nécropole punique, qui se dégrade, hélas, et ses longues plages qui filent vers la Chebba, attirent de nombreux curieux. Ses mosaïques : au lion et à la gloire du port de Sulectum antique sont originales.

Et puis, par Ksour Essef et Tlelsa, aux immenses citernes d’époque romaine souterraines, on gagnera El Jem et … vous vous arrêterez sûrement au pied de l’amphithéâtre, à la patine ocre flamboyant sous la caresse du soleil couchant, avant de rejoindre l’autoroute avec des souvenirs et des images “plein la tête !”.

A.M.

 

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