Y a t-il un avenir pour la presse écrite en papier ?

Les premières assises internationales du journalisme de Tunis, ouvertes jeudi 15 novembre par le chef du gouvernement Youssef Chahed, prennent fin ce samedi.
Placées sous un slogan assez évocateur, « un journalisme utile aux citoyens », ces journées ont connu des échanges fructueux et intéressants mais qui ont mis à nu les difficultés que connaît la presse, écrite particulièrement, à travers le monde.
Si la première journée a été marquée par un discours hautement politique de Youssef Chahed, ça n’a pas été le cas après, le débat se déroulant entre professionnels.
En effet, les trois journées ont été meublées par des ateliers, des débats et des formations sur plusieurs thématiques liées à la presse et aux médias dans le monde entier.
La situation de la presse écrite imprimée a été, dans ce contexte au centre des débats d’un workshop où les intervenants ont mis l’accent sur la détresse de ce secteur.
Taïeb Zahar , président de la Fédération tunisienne des directeurs de journaux n’est pas allé par quatre chemins. « La presse écrite imprimée vit ses derniers jours en Tunise« . Constat amer, certes mais qui  reflète la situation catastrophique du secteur qui a perdu en raison des difficultés plusieurs titres qui n’avaient pas trouvé mieux que de mettre la clé sous le paillasson.
Taieb Zahar a plaidé, dans ce contexte pour une distribution transparente et équitable de la publicité publique. La volonté exprimée par les pouvoirs publics de venir en aide au secteur doit être accompagnée par des actes concrets, a-t-il précisé en  appelant les pouvoirs publics à consacrer un fonds de soutien à la transition digitale étant donné que la majorité des journaux ont migré vers le digital pour survivre.
Ce constat alarmant est partagé par Omar Belhouchet, directeur du journal El Watan (Algérie) qui considère que « le papier a perdu du terrain« . Pour Belhouchet, il s’agit d’une tendance mondiale irréversible et on ne peut que faire avec. Le directeur d’El Watan déplore également le manque de soutien et d’aide aux médias en Algérie notamment à son support, vu, selon lui, toujours d’un mauvais œil par le pouvoir en place. Toutefois, belhouchet nie être jusque-là dans la logique du déficit, et ce grâce à une stratégie basée sur le maintien d’une équipe de journalistes étoffée et le combat mené pour avoir davantage de ressources publicitaires.
Jacques Rosselein, directeur de l’Ecole de journalisme EFJ (France) qui animait cet atelier, a fait une présentation exhaustive du secteur de la presse écrite notamment imprimée.
Ce workshop a connu également la participation de Emilie Sueur, co-rédactrice en chef de « L’Orient le jour », un journal libanais qui souffre comme la majorité des journaux dans ce pays, politiquement instable etconnaissant des difficultés financières.

Pour Emilie, les médias libanais vivent dans un environnement précaire  à l’image du paysage politique du pays. « La presse va mal au Liban« , martèle-t-elle.
Face à la baisse de la publicité accaparée par « de grandes plateformes » tels que facebook, twitter et les médias audiovisuels, Emilie Sueur a évoqué l’expérience de son journal. En effet, « L’Orient le jour » a instauré une stratégie basée sur trois axes principaux : développer les abonnements, diversifier et renforcer les partenariats et, finalement, organiser évènements et séminaires pour assurer la pérennité des ressources financières de l’entreprise.

Liberté de presse ou d’expression ?
La question a été posée, car en vérité elle victime de confusion. Intervenant à ce sujet, Taïeb Zahar considère qu’il « n’existe pas actuellement dans notre pays une liberté de presse, mais plutôt une liberté d’expression« . Il enfoncera davantage le clou en se posant la question suivante en signe de contestation de la situation par laquelle passe le secteur : « Quelle est notre marge de liberté de presse lorsqu’on se trouve toujours menacé par la suspension de publicité ? »
Et d’ajouter, « il est inconcevable de parler d’une liberté de la presse alors qu’on est incapable de fournir les conditions favorables aux journalistes pour accomplir leur mission ». Et cela à cause des pressions que subissent les journaux, qu’elles soit économique (absence de publicité, manque de financement, baisse des ventes et des abonnements) ou politique,
Le bilan dressé par le président de la FTDJ  est un tableau sombre du secteur qui peine à résister.
Il faut rappeler ici, que le chef du gouvernement avait indiqué à l’inauguration de ces assises que le gouvernement œuvre fortement à la préservation de l’acquis démocratique qu’est la liberté d’expression. « Nous ne ménagerons aucun effort pour l’amélioration des conditions des journalistes et pour la création d’un meilleur environnement pour la liberté de la presse », avait-il déclaré. Chahed insistera sur le fait que le  gouvernement maintient de contacts réguliers avec le syndicat des journalistes pour discuter de tout ce qui touche le secteur et aplanir les difficultés.
« Le but est d’améliorer les conditions de travail des journalistes et de leur garantir l’accès à l’information ainsi qu’aux citoyens de façon générale » avait-il précisé.
Chahed n’avait pas manqué de relever que des journalistes sont exposés, quotidiennement à la censure et à la répression. “Nous, en tant qu’autorité, sommes appelés à les appuyer et à les protéger”, avait-il affirmé.

M.A Ben Sghaïer

 

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