La descente du dinar vers l’abîme ruine le pouvoir d’achat des classes moyennes et encore plus celles défavorisées, mais aussi perturbe la gestion des entreprises et bat en brèche leur compétitivité.
En effet, au cours des trois dernières années, le dinar a perdu 50% de sa valeur par rapport à l’euro, une des principales monnaies de référence en matière de taux de change. Le spectre d’un euro à 4 dinars qui se profile à l’horizon, hante les nuits des acteurs économiques et traumatise les consommateurs.
Avec la baisse vertigineuse du dinar, les entreprises industrielles qui importent une grande partie de leurs matières premières subissent de plein fouet l’impact des coûts supplémentaires : elles n’arrivent plus à maîtriser leur coût de revient et par suite, les prix de vente.
Il est vrai que la monnaie est en principe un miroir qui reflète fidèlement la solidité de l’économie, le degré de prospérité financière, la rapidité de la croissance et la stabilité socio-politique. Toutefois, l’impression qui s’impose à tous, c’est qu’il n’y a aucune volonté politique ni stratégie efficace pour lutter contre l’effondrement du dinar, la classe politique étant surtout préoccupée, soit par son maintien au pouvoir soit par la conquête de ce dernier, avec les avantages moraux et matériels qui en découlent.
Le dinar, à l’instar des autres monnaies, “flotte”, sa parité dépend du marché, donc de la confrontation entre l’offre et de la demande des acteurs économiques.
Or, plusieurs fondamentaux économiques et financiers de notre économie affichent des déséquilibres flagrants qui aggravent la précarité de notre monnaie.
Déficit croissant de notre commerce extérieur et de la balance courante, baisse régulière des réserves en devises (79 jours d’importation), déficit chronique du budget de l’Etat qui rode autour de 5%, autant certifier que le code de change qui date de 1975 n’est plus adapté aux réalités et mérite d’être révisé. Un des drames de notre pays réside dans l’existence d’un vaste marché informel et prospère de devises qui échappe à tout contrôle, aux circuits officiels, avec des centaines de “cambistes” qui procèdent librement et en public à des opérations de change évaluées à 4 milliards de dinars, ce qui est énorme et favorise encore plus la fragilité du dinar.
Est-il théoriquement et concrètement possible d’indexer le taux de change du dinar sur la valeur de l’euro ?
Les facteurs qui militent en faveur de cette vision ne manquent pas. 75 à 80% de nos échanges extérieurs se font avec les pays de l’Union européenne à l’import comme à l’export. 70% des investissements extérieurs qui se font dans notre pays proviennent des pays de l’Union européenne. 50% des touristes qui visitent notre pays sont des Européens. 40% de notre dette extérieure sont exprimés en euros. Nous sommes liés à l’Union européenne par un accord de partenariat et de libre-échange pour les produits industriels depuis 1995 et bientôt, ce sera l’ALECA, c’est-à-dire les produits agricoles et les services.
Il reste à savoir dans quelle mesure des négociations financières et monétaires avec l’Union européenne peuvent être entamées dans cette voie, tout en sachant que les mécanismes à inventer dans ce but ne sont ni simples ni faciles à mettre au point.
La possibilité devrait être évoquée dans le cadre des négociations relatives à l’ALECA, au même titre que la libre circulation des acteurs économiques dans les pays de l’Union européenne.
Si l’on voulait réellement stabiliser le taux de change du dinar vis-à-vis des devises pour éviter le naufrage de l’économie tunisienne et une dégradation encore plus rapide du niveau de vie de la population, il y aurait toute une série de mesures à mettre en application en urgence et ce, durant trois ans.
L’Administration doit prendre de suite des décisions pour réduire son « train de vie fastueux » et mettre à exécution un plan d’austérité de façon à équilibrer le budget de l’Etat.
Les importations méritent un “coup de frein sec” pour se contenter du strict minimum : matières premières industrielles, biens d’équipements, carburants et produits alimentaires de première nécessité.
Une action énergique et de grande envergure devrait être entreprise pour récupérer les devises en circulation clandestine dans le pays et détenues par les barons de la contrebande afin d’éponger progressivement le marché parallèle de change. Ainsi, est-il impératif d’inciter les résidents tunisiens qui détiennent des fonds en devises à l’étranger à les rapatrier contre une pénalité symbolique de 10%, d’encourager, par des effets motivants, les TRE à placer leurs économies dans des comptes épargne en devises dans les banques tunisiennes, et de motiver les exportateurs pour faire performer le processus exportateur par des incitations financières indirectes et des mesures logistiques appropriées, une stratégie qui s’impose plus que jamais.
Les recettes en devises du tourisme, malgré une progression sensible en 2017 et 2018, restent en deçà des attentes et des ambitions, car l’hôtellerie continue à “brader la pension” faute de qualité supérieure des prestations de service et que plus de 100 hôtels demeurent encore fermés, faute de restructuration financière.
Deux secteurs économiques fondamentaux sont en panne et méritent des solutions énergiques : les phosphates et les hydrocarbures. Les importations de ces derniers représentent 40% du total, suite à l’effondrement de la production et à la régression du nombre de forages de puits.
Pour les phosphates, qui exportaient pour 3 à 4 milliards de dinars en 2010 (production 8 MT), la production 2018 sera de l’ordre de 25% par rapport à celle de 2010. Dérisoire !
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