Ce qui s’est passé la semaine dernière, à l’aéroport de Tunis Carthage, entre pilotes et mécaniciens de Tunis air a fait de notre pays la risée du monde. Plus grave a été la décision prise à la hâte de suspendre le trafic aérien de la compagnie pendant presque une journée, comme si le pays est en guerre ou affronte une menace majeure. Plusieurs pays en guerre civile n’avaient pas recouru à une telle mesure extrême. Mais chez nous, où les lois sont bafouées, l’Etat est déliquescent et les entreprises sont à l’abandon, c’est l’anarchie qui commence à régner et plus rien ne pourrait désormais nous surprendre. L’impuissance des pouvoirs publics est devenue symptomatique que ce soit dans la gestion des affaires du pays ou dans la résolution des crises. Au moment où l’on s’attendait le plus à la prise de mesures énergiques pour stopper la spirale vertigineuse, on se trouve surpris par l’attitude passive, de résignation qui ne peut que pourrir davantage la situation, non solutionnée des problèmes. Dans le meilleur des cas on diffuse des communiqués laconiques pour dénoncer, du bout des lèvres, les abus et les dépassements, on crée une commission d’enquête qui ne rendra jamais publique sa relation des faits et on confie à la justice pour arbitrer dans des conflits qui ne devraient jamais surgir avec cette intensité et cette gravité.
Nonobstant les informations diffusées instantanément particulièrement sur les réseaux sociaux et les journaux électroniques, un silence lourd et complice a prévalu. Très peu de réactions de politiques et des acteurs sociaux pour dénoncer une grave dérive entre deux corps de métier via leurs syndicats respectifs. Rien d’étonnant à cela ! En Tunisie on a pris l’habitude de taire l’abus ou le dépassement dont les auteurs font partie des syndicats, qui bénéficient d’une immunité de facto, parce que de nombreux syndicalistes ont pris le pli de prendre leurs entreprises otage de leurs caprices et de leurs errements, en ne les considérant que rarement comme lieux de production et de création de richesses.
Quelle image peut-elle donner au monde au moment où le secteur touristique, fortement dépendant de l’aérien, commence à donner des signes de reprise? Pour la compagnie nationale le gâchis est considérable et les dégâts difficilement réparables. Pour une entreprise qui croule sous les déficits cumulés et qui souffre d’un personnel pléthorique, on est loin, très loin d’une mobilisation de tous les moyens et de toutes les forces pour sauver la compagnie. Son personnel navigant fait tout pour l’achever pour des futilités, des questions d’ego et de manque de dialogue sérieux.
Dans tous les cas, ce qui s’est passé entre les deux corps de métiers les plus importants, à savoir les pilotes et les mécaniciens est inénarrable, honteux et risque de donner la compagnie en pâture à ceux qui cherchent sa fin.
Pour la première fois dans son histoire, la flotte de Tunis air s’est trouvée plombée au sol pour un litige entre pilotes et techniciens sur une question d’uniforme. Ahurissant !
Inadmissible de ne pas gérer un conflit entre personnels et qu’il aboutisse à une véritable catastrophe. Les excuses formulées par la suite aux clients valent-elles quelque chose ? Ce qui est certain, le mal est fait, et la compagnie nationale reçoit une raclée au mauvais moment, non par une compagnie concurrente, mais par une partie de son personnel qui devraient être les premiers à faire régner la discipline, le respect et la préservation de son image de marque.
En Tunisie on n’en a cure de toutes ces valeurs qui font la particularité des entreprises où le sentiment d’appartenance est placé au-dessus de toute autre considération. On a plutôt l’impression que les choses vont dessus-dessous et que chacun ne recule plus d’un iota pour imposer sa loi et faire le plus de nuisance même si cela peut aboutir au chaos.
Est-il admissible que Tunis-Air, qui a été de tout temps, l’un des fleurons dont le pays s’est toujours énorgueilli, tombe dans une telle anarchie sans que personne ne daigne bouger pour stopper cette descente aux enfers?
Une récente déclaration de Youssef Chahed, Chef de gouvernement à TV5 monde résume tout, estimant que « sur le plan économique, nous n’avons pas assez travaillé. Nous n’avons pas effectué les réformes nécessaires. »
La question qui se pose est simple, peut-on gagner la transition économique dans une société qui déconsidère l’effort, le travail et le mérite, où la loi est tournée en dérision et où le laxisme, l’amalgame et le passe-droit sont devenus la règle ?