«Aujourd’hui, l’apparition d’une série d’évènements et de déclarations, autant multiples qu’inhabituelles, notamment à la veille d’une importante échéance électorale, m’a mis dans l’obligation morale de m’exprimer et de partager mes sentiments et mes craintes avec mes concitoyens algériens», écrivait Zéroual dans sa lettre.
Un clin d’œil à l’âge du Bouteflika et à sa santé fragile — depuis 2005, Bouteflika a passé autant de temps dans les hôpitaux qu’au palais présidentiel — Liamine Zéroual considère l’élection présidentielle «un insigne honneur pour le prétendant à la magistrature suprême, mais également une lourde et délicate charge, autant morale que physique.»
La mauvaise santé de Bouteflika n’est un secret pour personne. Même son équipe gouvernementale ne se dérobe pas sur l’état de santé du Président sortant. Interrogé par une chaîne de télévision du Moyen-Orient sur les difficultés du candidat Bouteflika à marcher, le ministre d’État Abdelaziz Belkhadem répondait : «ses muscles ont été atteints. Il poursuit toujours une rééducation fonctionnelle pour retrouver ses capacités. Mais cela ne veut pas dire qu’il a perdu ses facultés d’analyse.»
Mais l’ancien général président Liamine Zéroual ne se contente pas d’évoquer l’état de santé du Président sortant. Il s’en prend directement à Bouteflika (toujours sans le citer) en l’attaquant à propos de l’amendement de la Constitution effectué en 2008, celui qui a permis à Bouteflika de se représenter à nouveau. «La révision de la Constitution algérienne en 2008, notamment l’amendement de son article 74 relatif à la limitation des mandats présidentiels à deux, a profondément altéré le saut qualitatif qu’exigeait l’alternance au pouvoir et a privé le processus de redressement national de conquérir de nouveaux acquis sur le chemin de la démocratie.» La lettre suggère encore que «l’alternance au pouvoir a également pour vocation de fortifier la démocratie et de crédibiliser les institutions de la République qui en sont la plus précieuse émanation.»
Faisant allusion à la décennie noire, quand l’Algérie était aux prises avec une vague de terrorisme meurtrière, Zéroual rappelle qu’«il faudra se souvenir qu’hier encore l’Algérie a dû payer de nouveau un lourd tribut pour avoir vécu l’une des phases les plus éprouvantes de son histoire contemporaine ; elle s’en est miraculeusement sortie grâce à Dieu et à toutes les forces vives de la nation qui se sont courageusement et dignement mobilisées à ses côtés». Il faut se garder de sous-estimer la situation actuelle et de penser que la manne financière peut, à elle seule, venir à bout d’une crise de confiance structurelle.
Liamine Zéroual lui-même a refusé de se porter candidat le 17 avril, bien qu’il ne souhaite pas se joindre aux partis appelant au boycott. Mais dans sa lettre, il avertit le clan Bouteflika «que le prochain mandat présidentiel est le mandat de l’ultime chance à saisir pour engager l’Algérie sur la voie de la transition véritable.»
Par ailleurs, pendant le weekend, une information off est devenue publique : les services secrets canadiens suspectent la France d’être derrière une vaste opération de piratage informatique qui aurait débutée en 2009 et se poursuivrait grâce à un implant espion. Selon le quotidien Le Monde, les services secrets canadiens révèlent la présence de cette implantation au Canada, en Espagne, en Grèce, en Norvège ainsi qu’en Côte d’Ivoire et en Algérie. L’attaque viserait, en premier lieu, une demi-douzaine d’institutions iraniennes liées au programme nucléaire. Mais elle concernerait aussi des cibles n’ayant aucun lien direct avec la lutte contre la prolifération nucléaire, comme l’Algérie.
D’ailleurs, le 22 mars, le site internet officiel de la campagne électorale de Bouteflika a été piraté — et la direction de la Communication a été obligée de le fermer temporairement. Il semble probable que les attaques provenaient de l’étranger, selon plusieurs médias.
Sarah Kanning