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Au lendemain d’élections législatives anticipées boudées par les électeurs, l’Algérie annonce retirer son accréditation à la chaîne France 24.
L’Algérie a décidé de retirer son accréditation à la chaîne française internationale France 24. Cette décision est motivée, selon le ministère de la Communication, par « le non-respect des règles de la déontologie professionnelle, la désinformation et la manipulation ainsi qu’une agressivité avérée à l’égard de l’Algérie » a affirmé Ammar Belhimer, porte-parole du gouvernement. Surtout, elle survient au lendemain d’élections législatives anticipées marquées par un fort taux d’abstention.
*Tensions autour de l’ouverture du hirak
La nouvelle est tombée dimanche en fin de journée au travers d’une dépêche de l’Agence de presse nationale algérienne, APS. Dans ce texte, il est rappelé qu’en mars dernier déjà, le ministère de la Communication avait mis en garde la chaîne de télévision pour sa couverture du mouvement hirak. « Le 13 mars, un dernier avertissement avant retrait définitif » de son accréditation avait été adressé à France 24 en mettant en cause sa « couverture des marches du vendredi » une référence aux manifestations du hirak, le mouvement populaire de contestation du régime.
La chaîne d’information, qui a encore couvert samedi les législatives en direct d’Alger, a réagi en soirée en se disant étonnée « de ne pas avoir reçu d’explication » sur ce retrait des accréditions de ses correspondants.
« Notre couverture de l’actualité algérienne se fait dans la transparence, l’indépendance et l’honnêteté », a dit France 24 dans un message lu à l’antenne. Interrogé par l’AFP, le ministère français des Affaires étrangères s’est refusé à tout commentaire.
Le 13 mars, France 24 avait déjà assuré faire son « travail le plus honnêtement possible ». « Nous faisons juste notre travail de journalistes dans le respect des règles en vigueur », avait dit à l’AFP Marc Saikali, directeur de France 24.
En juillet 2020, Moncef Aït Kaci, correspondant de France 24, et le cameraman Ramdane Rahmouni avaient été placés en détention préventive, avant d’être libérés 24 heures plus tard. Moncef Aït Kaci est basé à Alger et a couvert le scrutin législatif pour le service français de France 24.
Depuis des années, les médias étrangers travaillant en Algérie sont soumis à une procédure d’accréditation bureaucratique, opaque et aléatoire. Le directeur de l’Agence France-Presse (AFP) pour l’Algérie, Philippe Agret, nommé en octobre 2019, n’a jamais obtenu d’accréditation des autorités. Aucun motif n’a été fourni à ce sujet.
Et les conditions de travail sont difficiles pour les journalistes algériens, sur fond de répression du hirak par les autorités. Né en février 2019 d’un rejet d’un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, président aphasique, le mouvement s’est poursuivi malgré l’éviction de l’ex-président Bouteflika et de son clan, puis l’élection d’un nouveau chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune. L’Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF. Elle a perdu 27 places en cinq ans.
Le hirak réclame le démantèlement du système de gouvernance en place depuis l’indépendance en 1962. Les autorités affirment que les principales revendications du mouvement ont été satisfaites.
Après avoir boudé la présidentielle de fin 2019 puis le référendum constitutionnel de fin 2020, la population algérienne s’est de nouveau détournée des urnes lors des législatives organisées samedi pour tenter d’affermir la légitimité du gouvernement. Selon des chiffres officiels, le taux d’abstention a avoisiné les 70 %.
(Le Point, avec AFP)