L’émotion était palpable ce vendredi au siège de la centrale syndicale à la place Mohamed Ali où s’est tenue la conférence de presse des membres de la Caravane de la Résilience (Al Soumoud), de retour en Tunisie après avoir été empêchés de rejoindre la bande de Gaza.
Ayant quitté la Tunisie en direction du poste-frontière de Rafah depuis une dizaine de jours, la caravane, rappelons-le, a été bloquée à Syrte par les autorités de l’Est libyen. L’Égypte, de son côté, a refusé de les laisser entrer sur son territoire, mettant un terme à cette tentative de solidarité avec la population assiégée de Gaza.
Lors de son intervention, le coordinateur de la Caravane de la Résilience, Wael Nawar, est revenu sur les incidents survenus dans l’est libyen. Il a affirmé que la caravane, bien que munie de toutes les autorisations officielles nécessaires pour traverser le territoire libyen, a été stoppée par la force armée, sans justification légale valable. L’objectif de la caravane était clair : atteindre le poste-frontière de Rafah pour briser symboliquement le blocus imposé à Gaza.
Nawar a précisé que l’initiative avait été préparée de longue date, en coordination avec des ONG et les autorités algériennes et libyennes. Toutefois, l’absence d’autorisation formelle de la part des autorités égyptiennes a servi de prétexte aux forces de l’Est libyen pour bloquer leur progression. Malgré de nombreuses tentatives de médiation avec des responsables locaux et internationaux, aucun compromis n’a pu être trouvé. Quinze membres de la caravane ont été brièvement arrêtés, avant d’être relâchés, et l’ensemble des participants a dû regagner la Tunisie.
Mais cette fin logistique n’a en rien entamé l’ampleur symbolique de leur action. Malgré cet échec à atteindre l’objectif principal à savoir atteindre les territoires palestiniens, Wael Nawar considère que l’initiative a marqué les esprits : « Ce fut une caravane légendaire ». Il a salué la mobilisation exceptionnelle qu’elle a suscitée sur tout le trajet tunisien et libyen, et a annoncé une prochaine action d’ampleur : une grande marche populaire, rassemblant des centaines de milliers de personnes, sera organisée pour poursuivre le soutien à la cause palestinienne et dénoncer l’embargo meurtrier sur Gaza.
Pour leur part, les coordinateurs algériens et libyens de la caravane ont souligné lors de leurs interventions l’ampleur et la portée symbolique de cette mobilisation. Ils ont salué l’engagement des participants venus de différents horizons, mettant en lumière les défis logistiques, sécuritaires et politiques auxquels l’initiative a été confrontée. Malgré ces obstacles, leurs discours ont réaffirmé la nécessité de maintenir la flamme de la solidarité allumée, appelant à renforcer la coordination régionale et à ne pas céder face aux pressions ou à l’intimidation.
De son côté, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, n’a pu retenir ses larmes en appelant à la poursuite du combat contre ce qu’elle qualifie de génocide à Gaza.
« Il faut continuer. Ne pas abandonner. Gaza a besoin de nous tous », a-t-elle déclaré. Elle a salué le courage et la détermination de l’ensemble des participants à la caravane considérant qu’ils ont pris le relais d’une responsabilité que les États ont abandonnée. « Quand les États ferment les yeux, c’est à la société civile de porter la voix des peuples opprimés », a-t-elle martelé.
Francesca Albanese a souligné que les actions citoyennes comme la Caravane de la Résilience ou encore la Marche mondiale vers Gaza constituent des formes essentielles de mobilisation. « Ceux qui choisissent l’humanité sont des combattants pacifiques et déterminés. Gaza compte sur eux », a-t-elle affirmé.
Elle a également lancé un appel à l’unification des efforts, au-delà des clivages idéologiques, autour de trois revendications centrales : l’arrêt immédiat des massacres, la fin de l’occupation coloniale, et le démantèlement du régime d’apartheid imposé au peuple palestinien.
Moment particulièrement émouvant de cette conférence : Francesca Albanese a transmis un message écrit par sa fille, Leila, à l’intention des participants. Dans une lettre rédigée en arabe, la fillette a écrit « Chers héros, que Dieu vous bénisse… Leila, fille de Francesca ». Un mot sincère, accompagné de quelques morceaux de chocolat, en signe de gratitude.
Parmi les intervenants marquants de la conférence figurait également un représentant du mouvement juif antisioniste Neturei Karta, présent aux côtés des membres de la Caravane de la Résilience. Dans une déclaration ferme et émotive, il a tenu à rappeler que le sionisme ne représente en aucun cas le judaïsme authentique. Selon lui, les fondements religieux du judaïsme interdisent aux juifs de constituer un État indépendant et toute tentative de création d’un tel État constitue une transgression grave.
Il a dénoncé l’État sioniste, qu’il a qualifié d’« entité criminelle usurpatrice », affirmant qu’elle utilise à tort l’identité juive pour justifier l’occupation, l’oppression et les massacres en Palestine. Le judaïsme véritable, a-t-il insisté, est une religion de paix, de compassion et de respect des droits de tous les peuples, y compris ceux des Palestiniens. Il a souligné l’importance d’une solidarité interreligieuse sincère face aux injustices, brisant les amalgames et rappelant que l’opposition à l’oppression transcende les appartenances religieuses.