Le président de Madagascar fait lui-même la promotion de ce breuvage à base d’artemisia, une plante à l’effet thérapeutique reconnu contre le paludisme. Or actuellement, aucun essai clinique ne le prouve.
S’injecter du désinfectant n’est pas un remède contre le Covid-19, ça on le savait. L’Organisation mondiale de la santé alerte sur la promotion faite par des dirigeants africains d’une tisane remède contre le coronavirus. C’est le Malgache Andry Rajoelina qui promeut – sans tests scientifiques avérés – ce breuvage à base d’artemisia, une plante à l’effet thérapeutique reconnu contre le paludisme.
Ces derniers jours, Madagascar a livré dans plusieurs pays du continent cette boisson en affirmant qu’elle prévenait voire soignait le Covid-19. Les éventuels effets de cette tisane n’ont été validés par aucune étude scientifique. « Nos gouvernements [africains] se sont engagés en 2000 […] à traiter les remèdes traditionnels comme les autres médicaments en les soumettant à des essais », a déclaré la responsable de l’OMS pour l’Afrique, le Dr Matshidiso Moeti, lors d’un échange avec la presse.
« Je recommande que ces résolutions […] soient suivies », a-t-elle ajouté, « nous vivons des temps difficiles, je peux comprendre la nécessité de trouver des solutions mais j’encourage le respect des processus scientifiques sur lesquels nos gouvernements se sont engagés ». Le Dr Moeti a exhorté le gouvernement malgache à « faire tester [son] produit lors d’essais cliniques » afin de « vérifier son efficacité […] et sa sécurité sur les populations ».
*La boisson permet de soigner du coronavirus en quelques jours, selon le chef d’Etat malgache
La responsable régionale de l’OMS s’est en outre inquiétée des effets de la promotion de cette boisson sur le respect des règles de prévention. « Vanter ce produit comme préventif pourrait faire croire aux gens qu’ils n’ont pas besoin de respecter les autres mesures » telles que le lavage régulier des mains ou la distanciation sociale, a mis en garde le Dr Moeti.
Le chef de l’Etat malgache a à plusieurs reprises vanté les vertus de sa boisson, baptisée Covid-Organic, assurant qu’elle permettait de soigner les patients atteints de coronavirus en quelques jours. Jeudi encore, Andry Rajoelina a fait l’article de « sa » potion dans la ville de Toamasina, où il assistait à une campagne de dépistage du Covid-19 dans la population locale. « L’OMS a indiqué que l’artemisia est une piste qui pourrait guérir le coronavirus », a-t-il lancé.
Plus tôt cette semaine, l’organisation onusienne avait déjà appelé à tester rigoureusement les médecines traditionnelles, mais reconnu l’artemisia comme « un traitement possible » contre le Covid-19.
*Des livraisons au Niger, en Guinée équatoriale
Andry Rajoelina a promis des essais cliniques en bonne et due forme pour confirmer les vertus de sa tisane. Sans en attendre les résultats, elle a été largement distribuée aux Malgaches. La Guinée-Bissau, la Guinée équatoriale ou le Niger en ont déjà pris livraison et plusieurs autres pays ont manifesté leur vif intérêt.
Plus prudente, l’Afrique du Sud, le pays le plus touché du continent par la pandémie, avec plus de 7.800 cas et quelque 150 morts, s’est contentée d’annoncer son aide à Madagascar pour mener des essais scientifiques. « Nous ne participerons qu’à l’analyse scientifique de cette herbe », a déclaré son ministre de la Santé, Zweli Mkhize.
Le petit royaume d’eSwatini s’est lui aussi refusé pour l’heure à importer le « remède » malgache. « Il est important d’abord d’évaluer comment ces produits à base d’herbes ont été testés », a indiqué jeudi sa ministre de la Santé, Lizzie Nkosi.
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a pour sa part démenti avoir commandé la tisane malgache. « Nous ne pouvons promouvoir que des produits à l’efficacité reconnue scientifiquement », a-t-elle rappelé.
(20minutes, avec AFP)