Il est clair que la nomination de Taoufik Baccar et de Mongi Sarfa, en tant que conseillers, par le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, va encore faire couler de l’encre. Le président de la République, Kaïs Saïed, a visiblement très mal pris la décision de Hichem Mechichi. Au-delà du piège du populisme dans lequel le Chef de l’État est tombé et dont nous avons parlé dans un précédent article, l’affaire comporte d’autres aspects. Ce qui se passe actuellement laisse entrevoir un retour vers le traditionnel conflit entre les deux têtes de l’Exécutif, mais pas que.
Hichem Mechichi pris entre deux feux ?
Hichem Mechichi, peu avant l’approbation de son gouvernement par l’ARP (Assemblée des Représentants du Peuple), a déjà entamé le rapprochement avec les partis politiques qui ont pris l’habitude de faire la pluie et le beau temps depuis depuis 2014 – Ennahdha – et depuis 2019 – Qalb Tounes et Al Karama -. On se souvient encore du déjeuner entre Mechcihi, Nabil Karoui, Seifeddine Makhlouf et Rached Ghannouchi. Cela en dit long sur les éventuels « marchés » qui auraient été conclus entre eux.
Bref, ces partis politiques, selon plusieurs analystes, ont, certes, accordé leur confiance à Hichem Mechichi, mais il s’agirait d’une confiance conditionnée. Ces mêmes partis semblent vouloir intervenir dans la nomination des conseillers de Hichem Mechichi. En somme, Une sorte de contre partie.
On comprend mieux, de ce fait, la réaction du président de la République lors de sa rencontre avec le Chef du gouvernement le mercredi 23 septembre 2020. Outre le fait qu’il s’agit de conseillers ayant travaillé sous l’ancien régime – et là, il ne s’agit que d’un argument populiste -, c’était, surtout, une façon pour Kaïs Saïed d’exprimer son rejet de la démarche de Hichem Mechichi. Kaïs Saïed la voit mal et il ne souhaite pas voir les partis politiques s’ingérer sur son territoire. Lui qui, en désignant Hichem Mechichi, voulait surtout un Chef du gouvernement docile. En fait, c’est comme si l’Histoire se répétait : on se souvient des raisons pour lesquelles Feu Béji Caïd Essebsi avait désigné Youssef Chahed à la tête de la Kasbah, et de la rébellion de ce dernier.
A éviter : la guerre des institutions
La question qui se pose, désormais, porte sur ce que Hichem Mechichi va faire. Le voilà pris entre deux feux : la pression d’Ennahdha, d’Al Karama et de Qalb Tounes et la pression du président de la République. Plusieurs observateurs de la scène politique estiment, dans ce contexte, que le Chef du gouvernement doit s’exprimer pour mettre les points sur les « i ». En d’autres termes, il devrait réagir au président de la République en affirmant qu’il a bien pris en compte ses remarques. Concernant les dernières nominations, le Chef du gouvernement devrait souligner que les décisions adéquates seront prises si la moindre implication dans une affaire judiciaire est confirmée.
En d’autres termes, Hichem Mechichi doit agir en tant que Chef du gouvernement, conformément aux prérogatives qui lui ont été octroyées par la Constitution, mais sans pour autant entrer en conflit avec le président de la République et les partis politiques. C’est là où réside la difficulté de sa tâche : satisfaire un président visiblement têtu et des partis politiques opportunistes prêts à tout pour arriver à leurs fins. Les choix de Hichem Mechichi seront décisifs.
A suivre.
F. K