Par Ridha Lahmar
Mais tout d’abord où réside le mal ?
Sans entrer dans le détail, il faut reconnaître avant tout que dans les années 70 et même 80 ces trois banques ont contribué de façon significative à financer l’économie du pays et à construire un tissu entrepreneurial privé dense et solide.
C’est ainsi que la BNA finance les principales campagnes et filières agricoles et agroalimentaires, que l’on doit à la Banque de l’Habitat le financement de la construction de 60.000 logements par an en moyenne et que la STB a financé des pans entiers de l’industrie tunisienne et 70% du parc hôtelier.
Cependant, avec le cumul de plusieurs années de mauvaises gestions, la situation financière de ces banques s’est dégradée au point d’aboutir à des déficits avec la montée vertigineuse des créances douteuses, la régression des dépôts de la clientèle et donc des difficultés de trésorerie et de liquidités.
La STB aurait frôlé la faillite si l’État n’avait pas volé à son secours en 2013 en injectant de l’argent frais et en accordant sa garantie vis-à-vis des crédits extérieurs.
Il faut dire que ces trois banques concentrent 40% des concours financiers accordés à l’économie, ce qui confère à leur sauvetage une connotation de mission de salut public.
Il a fallu recourir à un audit international pour évaluer l’ampleur de la situation : points forts (garanties réelles en contrepartie des créances accrochées) et points faibles : non-évaluation des risques, crédits de complaisance, défaillance du système d’information… faiblesses et fragilités des ratios de solvabilité, insuffisance des fonds propres…
On parle beaucoup de recapitalisation de ces trois banques et l’Assemblée des députés du peuple a voté une dotation de 300 millions de dinars pour la BNA après le milliard de dinars accordé par l’ANC qui sera réparti à raison de 200 MD pour la Banque de l’Habitat et 800 MD pour la STB.
Mais en fait il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg, le plus efficace et le plus important sont ailleurs et l’on n’en parle pas du tout ou pas assez.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit non seulement de restructurer ces banques, de les assainir, de les moderniser, de revoir leur positionnement stratégique sur le marché, mais aussi de revoir leur modèle de gouvernance, notamment concernant la maîtrise des risques.
L’assainissement des portefeuilles des trois banques est une priorité absolue pour ce qui est des créances douteuses : les activités de recouvrement ne peuvent être efficaces que dans le cadre de sociétés spécialisées qui maîtrisent les méthodes, certes actives, mais dans le cadre de la loi. La stratégie de gestion des ressources humaines devrait privilégier le recrutement et la formation de compétences jeunes susceptibles de dynamiser la gestion des banques et d’améliorer la qualité des services. Cela implique que plusieurs centaines d’employés d’âge mûr soient incités à partir en retraite anticipée et négociée. Un système d’information performant du type global banking doit être implanté d’urgence pour favoriser une gestion rigoureuse des trois banques publiques et éviter erreurs, défaillances, retards et ainsi améliorer les tâches de contrôle des gestionnaires.
L’État doit réviser son modèle d’intervention dans le système financier et bancaire. En effet quelle efficacité, quelle rentabilité et quelle valeur ajoutée trouve-t-on à être actionnaire minoritaire (12 à 20%) au capital d’une banque privée sans pouvoir impacter les décisions ? Certes les administrateurs désignés par l’État touchent des jetons de présence juteux et injustifiés, mais ce n’est pas là l’objectif.
C’est pourquoi la création d’un fonds de restructuration bancaire vient d’être approuvée par l’ARP dans le cadre de la loi de Finances 2015. Il sera alimenté par le produit de la vente des participations de l’État dans ces banques.
Notre pays a à juste titre des ambitions en matière d’exportation et plusieurs de nos entreprises performantes ont implanté avec succès des usines à l’étranger.
Or ces champions ont besoin de banques tunisiennes présentes à l’étranger pour les accompagner et les soutenir dans leurs investissements.
Malheureusement, la Tunisian Foreign Bank ne dispose pas suffisamment de fonds propres pour développer ses activités et par exemple ouvrir des agences… pour attirer des IDE en Tunisie et financer les activités des entreprises tunisiennes à l’étranger.
La gestion des banques par les conseils d’administration avec un PDG qui cumule tous les pouvoirs n’a pas prouvé, du moins dans les banques publiques, son efficacité, il faudrait recourir à la séparation entre directoire pour la gestion quotidienne et conseil de surveillance pour le suivi des activités, chacun ayant un président à part.