Le changement climatique est un constat qui s’impose au quotidien : intensification des précipitations (fortes pluies et grêle), augmentation des cyclones tropicaux violents augmentation des périodes d'aridité et de sécheresse, recul de la glace de la mer Arctique et de la couverture neigeuse, … Ce qui entraîne les déplacements de populations et l’émergence de nouveaux risques pandémiques, et aggrave les inégalités.
Notre environnement est ainsi mis à rude épreuve et nécessite un réajustement de notre rapport à la nature. Nous devons être plus résilients, et nous assurer que la façon dont nous vivons, produisons, consommons, est durable.
Face à ces défis globaux, aucun pays ne peut plus espérer régler ses problèmes sans concertation ni collaboration, aux niveaux régional et international. Pour résoudre toutes ces questions, la coopération multilatérale est plus que jamais indispensable. Riche de sa diversité et de ses valeurs de solidarité et de coopération, la Francophonie multidimensionnelle a aujourd’hui, plus que jamais, tout son rôle à jouer pour mener le changement – et ne pas le subir.
La francophonie, espace naturel au sein duquel on peut accomplir beaucoup en se focalisant sur ce qui nous unit, et en considérant le bien-être et la dignité des populations comme une priorité
Le continent africain sera probablement le plus impacté par les changements climatiques avec quelque 86 millions d'habitants obligés, à terme, de quitter leur actuel lieu de vie pour fuir les effets du changement climatique tels que la baisse de la production agricole, la pénurie d'eau et la hausse du niveau des océans.
Pour mener le changement, il faut pouvoir l’anticiper et le maîtriser. Et surtout être capable de proposer des réponses innovantes et ambitieuses sur les défis environnementaux. Le développement des pays africains et la création de prospérité ne se fera pas avec les recettes classiques des bailleurs de fonds, la tâche est trop immense et le processus trop long. De plus, les pays francophones bénéficient très peu de la finance climat. C’est d’ailleurs un des enjeux de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) qui peut jouer un rôle important en réunissant secteur privé, bailleurs, pays, experts…
Ainsi, l’OIF pourrait avoir un rôle de catalyseur vers un engagement en faveur du bien commun pour établir une frontière morale à l’économie de marché, ce qui implique non seulement de permettre à tous les êtres de développer leurs capabilités (au sens d’Amartya Sen), mais aussi de veiller à ce que ces derniers tendent vers des objectifs communs unanimement reconnus — en particulier ceux définis par les objectifs de développement durable (ODD). Ces objectifs déterminés par les Nations Unies sont un appel à l’action de tous les pays – pauvres, riches et à revenu intermédiaire – afin de promouvoir la prospérité tout en protégeant la planète.
Leur mise en œuvre corrigerait un certain nombre de clivages qui menacent la mondialisation et la coopération multilatérale. D’où, l’importance du prochain Sommet de la francophonie qui aura lieu en Tunisie et du thème choisi : « Connectivité dans la diversité : le numérique vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone ».
Le développement du commerce et des investissements dans les pays membres de la francophonie est une solution clé pour aider l’Afrique à trouver un équilibre entre action climatique et développement durable
De toute évidence, le numérique crée un nouveau rapport à l'Afrique et représente une chance pour la coopération au sein de la Francophonie, notamment Sud-Sud, l’accroissement des échanges commerciaux et des investissements en Afrique, et de l’Afrique vers les autres régions de l’espace francophone.
L’espace économique francophone représente 14% de la population mondiale, 16% du PIB mondial, près de 14% des ressources minières et énergétiques, et 20% du commerce mondial des marchandises. Cet espace fait face à des défis sans précèdent pour sa croissance, sa compétitivité, mais aussi à de grandes opportunités d’investissement.
Dans ce contexte, les pays africains doivent développer et diversifier plus activement leur participation au commerce international et aux chaînes de valeur mondiales (CVM) pour stimuler la croissance, la création d’emplois et le développement de la région. L’intégration des pays africains dans le commerce international se fera de plus en plus au travers de leur participation aux CVM, un phénomène traduisant l’essor des réseaux de distribution et d'approvisionnement transnationaux qui fragmentent les processus productifs afin de tirer le meilleur parti des complémentarités entre les économies.
Et le défi n’est pas gagné d’avance car même si les exportations africaines de biens et services ont enregistré une croissance particulièrement rapide au cours des dix dernières années, leur volume reste faible et représente à peine 3 % du commerce mondial. Un nouveau cadre est aujourd’hui nécessaire pour promouvoir des politiques commerciales qui permettront aux pays africains de ne plus se cantonner dans le commerce des matières premières, mais plutôt d’inscrire leur production et leurs échanges dans l’économie mondiale pour tirer parti d’une demande et d’une innovation illimitées d’un bout à l’autre de la chaîne d’approvisionnement.
Le rapide développement de la classe moyenne et de la demande en Asie de l’Est, qui va de pair avec une augmentation relative des salaires, ainsi que l'évolution de la structure des chaînes de valeur mondiales, ouvrent aux pays africains de nouvelles possibilités de diversification stratégique du commerce et des investissements avec l’Asie, qui pourrait à son tour aider à approfondir l’intégration commerciale intra-africaine.
Ce constat place les organisateurs du Sommet de la Francophonie à Djerba devant un défi existentiel : comment placer l’Afrique au cœur des chaînes de valeur mondiales ? Quels sont les obstacles majeurs à cette dynamique commerciale et quelles seraient les politiques à déployer afin d’y remédier ? S’il existe généralement un consensus sur l’importance de l’intégration de l’Afrique dans l’économie mondiale (la question de sa concrétisation est moins évidente), il est essentiel de raconter autrement l’enjeu des chaînes de valeur mondiales, de l’ouverture au commerce et de l’intégration régionale.
Les pays asiatiques membres de la Francophonie, un exemple de réussite en matière de commerce, pourraient servir de modèle et être le fer de lance d’une nouvelle synergie visant à exploiter les opportunités commerciales et financières qu’on trouve en Afrique francophone. Dans ce contexte, c’est d’emblée l’aptitude des pays asiatiques et africains francophones à se positionner ensemble sur des segments déterminés de ces CVM qui pourrait être un élément clé de la croissance rapide des pays africains.
Les pays asiatiques pourraient investir dans les chaînes de valeur régionales et contribuer ainsi à réduire jusqu'à 80 % des émissions de carbone, qui sont dues au transport des matières premières de l'Afrique vers le reste du monde. Ce qui permettrait aux pays de l’Afrique francophone de lier les objectifs climatiques et environnementaux à une croissance économique durable et inclusive.
La responsabilité de la francophonie est grande. Son pouvoir d’action l’est tout autant. L’OIF pourrait devenir un acteur crucial dans le rapprochement économique entre l’Afrique et l’Asie. Elle devra pour cela mettre en œuvre un plan d’action pragmatique pour développer les échanges commerciaux et les faciliter. Sa population, estimée à 320 millions de personnes et dont les projections sont de 715 millions à l’horizon 2050, en font un marché considérable.
C’est tout le pari du Sommet de Djerba : « Mener le changement », un thème cher à la Secrétaire générale de la Francophonie, Madame Louise Mushikiwabo. « Car si ensemble, nous ne menons pas le changement, eh bien, c’est le changement qui va nous mener ! »
C’est donc ensemble, à travers des approches Nord Sud et Sud Sud, que les pays membres de la Francophonie devront relever les défis, considérablement aggravés par la pandémie de COVID-19. Le président suisse Ignazio Cassis résumait cela parfaitement dans un entretien en 2020) : « Aussi sommes-nous tous appelés à approfondir et à élargir notre vision de l'Afrique pour éviter les approches unidimensionnelles . »
*Fondateur de l’Initiative méditerranéenne pour le développement