L’apparition de la pandémie relative au Covid-19 en Tunisie a indéniablement bouleversé le secteur de l’éducation nationale déjà malmenée par une crise économique latente. Face à cette situation susceptible de perdurer encore plusieurs mois, voire des années, il semblerait que l’enseignement privé ai tiré son épingle du jeu. Qu’en est-il réellement ? Comment ces institutions ont-elles pu s’adapter en si peu de temps, à ce nouveau contexte sanitaire ? Pour répondre à ces questions, nous avons contacté Kais mabrouk, Directeur Général adjoint à Bouebdelli Education Group et spécialiste dans le domaine éducation et de l’enseignement supérieur. Interview.
Comment a évolué, selon-vous, la situation de l’enseignement privé en Tunisie depuis l’avènement du Covid-19 ?
La situation a complètement changé: Les mesures sanitaires, les distanciations sociales aux sens propres et figurés et la digitalisation sont en substance, les conséquences du Covid-19.
Les établissements d’enseignement privé ont mis en place des réponses numériques et des solutions en ligne pour permettre aux enseignants de continuer leurs missions et aux élèves de rejoindre les classes à distance. Nous sommes constamment en veille et nous évoluons en fonction des chiffres et des mesures communiqués par les ministères de tutelles, ou celui de la santé.
Des mesures préventives sanitaires ont été prises et répandues partout dans tous les établissements scolaires d’une manière systématique. Les parents d’élèves sont devenus très exigeants et regardants, sur ce volet.
Comment se sont adaptées les institutions privées face à ce changement radical des habitudes et du monde de vie, notamment pour continuer à assurer le cours durant la période du Covid ?
La pandémie de COVID-19 a eu un impact bouleversant sur le système éducatif, un choc sans précédent dans l’histoire des enseignants, des élèves et des étudiants. Plus de 190 pays ont subi une désorientation totale lors de la fermeture des écoles et d’autres lieux d’apprentissage. Tous les établissements se sont basés sur un travail de recherche unilatéral pour identifier l’outil le plus adapté pour assurer la continuité pédagogique.
Les nouvelles technologies ont joué un rôle déterminant pour continuer à infuser les connaissances élémentaires à distance. Avez-vous quelques exemples concrets à nous donner ?
En effet, hormis les solutions ayant permis aux professeurs locaux de pouvoir poursuivre leurs cours habituels à distance, n’oublions pas les conférenciers internationaux qui jouent un rôle essentiel dans le partage peer-to-peer du savoir à travers le monde. Avant le Covid-19, c’était un exercice difficile que de pouvoir inviter en présentiel un conférencier international. En effet, pour qu’il se libère et réaliser une conférence d’une heure, il fallait qu’il voyage au minimum pendant une durée de 3 jours. Donc pour une mobilisation effective d’une ou deux heures, il fallait trois jour d’investissement en temps. Aujourd’hui, avec des outils de vidéoconférences accessibles et gratuits, on voit vraiment la différence. Inviter des conférenciers internationaux pour des talk virtuels, des sessions webinaires et même des cours en ligne se fait plus facilement. Ainsi, il est plus facile de décrocher une heure de son temps, que trois jours de disponibilité.
On assiste, actuellement, à une certaine hégémonie, légitime, du secteur de l’éducation privée en Tunisie. Croyez-vous qu’un jour, l’école publique puisse se relever en Tunisie ? Si oui, sous quelles conditions ?
Oui effectivement, l’éducation privée prend de l’avant. Le nombre d’établissement certifiés ou accrédités dotés de références internationales se multiplie à vitesse grand V. Les résultats des concours nationaux en sont témoin. Cependant, j’ai encore de l’espoir dans l’enseignement public. Contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas une question de budget. Former un élève dans le public coute plus cher aujourd’hui que dans le privé. C’est une question de bonne gouvernance. L’Etat ou l’Etatique peut encore jouer un rôle à condition de dépolitiser l’éducation. Notre responsabilité en tant que citoyen est engagée. Nos politiciens devraient moins réfléchir aux prochaines élections et davantage aux prochaines générations.
En tant que professionnel du secteur de l’éducation, quels conseils préconiseriez-vous aux représentants de l’éducation nationale, afin d’améliorer l’éducation en Tunisie d’ici les prochaines années ?
Comme je l’ai évoqué précédemment et contrairement à ce que tout le monde croit, la Tunisie n’a pas réellement un problème de moyens mais souffre plutôt d’une conjoncture structurelle, liée à une gouvernance effritée. Il faut évidemment trouver des solutions.
A mon avis, il faut se réunir sérieusement autour d’une table et mettre de côté les tiraillements mercantiles, afin de prendre les choses au sérieux. Ce serait à mon sens, un bon pas.
Les établissements d’enseignement eux-mêmes, dans une autonomie autoproclamée, doivent commencer à réfléchir et à agir. L’Education Nationale doit s’entourer de compétences motivées ou volontaristes et d’organisations nationales pour commencer à repenser la philosophie de notre éducation. Quel citoyen (carthaginois pour nous, ou mekkois pour les autres) souhaiterions-nous former ?…
Samy Ben Naceur