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-111°C : c’est la température la plus froide jamais enregistrée dans l’atmosphère. La mesure remonte à décembre 2018, dans un gigantesque cumulonimbus au-dessus de l’océan Pacifique.
Le sommet d’un cumulonimbus peut culminer à des altitudes allant de 8.000 à près de 21.000 mètres d’altitude, notamment dans le cas du nuage d’orage observé en décembre 2018 au-dessus du Pacifique.
Les cumulonimbus ou nuages d’orage, denses cumulus semblables à des enclumes ou à des champignons qui se forment souvent lors des chaudes journées d’été, sont définitivement des objets météorologiques de l’extrême. Souvent associés à des phénomènes violents – fortes averses, foudre, tornades, tempêtes de grêle… -, ils renferment une quantité d’énergie impressionnante et peuvent atteindre, dans le cas d’orages multicellulaires (des orages formés à partir d’un amas de plusieurs cumulonimbus), le poids de 25 millions de tonnes, soit l’équivalent d’un très gros iceberg de 200 m de long sur 75 m de hauteur au-dessus de la mer ! De tous les cumulus, ce sont aussi eux qui présentent la plus grande « extension verticale », autrement dit ceux qui s’élèvent le plus haut dans l’atmosphère.
*Un record enregistré par un satellite
On ne sera donc pas surpris d’apprendre que l’on doit à l’un de ces cumulonimbus un nouveau record, cette fois de température. Au sommet de l’un d’entre eux, observé le 29 décembre 2018 au sud de l’équateur, dans le Pacifique occidental, une température atmosphérique de -111°C a été enregistrée. Car oui, les nuages tropicaux ne sont pas forcément les plus chauds, bien au contraire. Deux chercheurs en météorologie, dont l’un du Centre national d’observation de la Terre de l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni, ont publié ce résultat le 22 mars 2021 dans les Geophysical Research Letters, affirmant qu’il s’agissait très probablement d’un record de basse température dans l’atmosphère.
La mesure a été effectuée par un satellite américain de passage, Noaa-20, dans un système nuageux de tempête tropicale (nombreux sont les satellites en orbite autour de la Terre qui transportent des capteurs infrarouges pour mesurer la température de la Terre et de son atmosphère). « Lors de l’observation d’un orage, d’un cyclone tropical ou d’une autre forme de temps convectif grave, ces capteurs enregistrent une température très froide, car les nuages qui forment ces tempêtes sont généralement à haute altitude et sont donc bien en-dessous du point de congélation. Dans cette étude, nous examinons un cas dans lequel un capteur (…) a mesuré une température extrêmement froide qui est, à notre connaissance, la plus froide enregistrée par satellite », expliquent les scientifiques.
*Des orages super-froids de plus en plus fréquents
Quels ingrédients ont contribué à l’atteinte d’un tel record ? Une eau océanique très chaude d’abord, habituelle pour la région, mais aussi, et surtout, l’intervention d’un phénomène connu des météorologues sous le nom d’oscillation Madden-Julian (MJO). Observé pour la première fois dans les années 1970 et typique des océans Indien et Pacifique, celui-ci se caractérise par des vents et de fortes précipitations le long de l’équateur durant des cycles réguliers compris entre 30 et 60 jours. De quoi contribuer à la formation de nuages à grande extension verticale, dans lesquels le mouvement ascendant de l’air peut parfois traverser le plafond de la troposphère – la tropopause – pour continuer à s’élever dans la stratosphère, soit la couche supérieure de l’atmosphère. Lors de l’événement de 2018, le sommet du nuage se trouvait à environ 20,5 km d’altitude.
L’étude indique également qu’à long terme, ces orages super-froids pourraient être de plus en plus fréquents. Toutefois, elle stipule que des recherches plus approfondies sont nécessaires pour déterminer s’il existe une vraie tendance au refroidissement dans ces nuages, et si celle-ci pourrait être liée aux changements de la tropopause et à l’augmentation des températures de surface de la mer. Quoiqu’ils en soit, les statistiques parlent déjà d’elles-mêmes : il y a eu autant d’événements de ce type dans le monde au cours des trois dernières années qu’au cours des treize années précédentes. « La tempête dont nous parlons était au milieu de nulle part, et c’est tant mieux », a confié Simon Richard Proud, premier auteur de l’étude, à la BBC. « Si vous vous étiez trouvé en-dessous d’elle, vous auriez été trempé, très probablement frappé par des grêlons, et touché par de nombreux éclairs. » Accueillant, n’est-ce pas ?
(Sciences et Avenir)