Samedi 7 juillet, ont eu lieu en Libye les élections du congrès national. En proie à une guerre civile depuis des mois ayant conduit au renversement de Mouammar Kaddafi, le pays inaugure-t-il ce faisant une nouvelle étape, celle de la légitimité des urnes ?
"Élections véritablement historiques" ou encore «autre étape importante de l’extraordinaire transition des Libyens vers la démocratie"…A Bruxelles, comme à Washington, les réactions sur le déroulement du processus électoral ont été positives. Toutes les chancelleries ont souligné «l’historicité» du moment. Annoncé par Nouri al-Abbar, le chef de la Haute Commission électorale nationale (HNEC), le taux de participation qui a atteint les 60% vient confirmer leurs réactions. En Libye, les dernières élections remontent à 1965. Quatre années plus tard, un certain Kadhafi prenait le pouvoir pour le conserver sans partage pendant 42 ans. C’est dire l’ampleur de l’évènement…Sur une population de 6 millions, près de 2,7 millions de Libyens (environ 80% du corps électoral potentiel) s’étaient inscrits sur les listes électorales. Ils devaient désigner leurs représentants parmi 3.707 candidats (2.500 indépendants et 1.200 sous la bannière de l’un des 142 partis politiques officiels). L’élection qui devait se tenir à l’origine le 19 juin a été repoussée de plusieurs semaines… notamment pour des raisons de sécurité.
Les «libéraux» vainqueurs
«Selon les premières informations recueillies, la coalition est en tête dans la plupart des circonscriptions électorales,» a déclaré Faiçal al-Krekchi. Ce dernier est le secrétaire général de l'«Alliance des forces nationales», une coalition réunissant plus de 40 partis dirigée par l'ex-Premier ministre du Conseil national de transition (CNT), Mahmoud Jibril. Considéré comme libéral, il revendique la participation de groupes laïcs et islamistes. L’annonce a aussitôt été confirmée par Mohamed Sawan, le chef du parti (islamiste) de la justice et de la construction (PJC) —pendant libyen du parti égyptien de la liberté et de la justice— qui a reconnu «une nette avance» de ses concurrents, notamment à Tripoli et à Benghazi. La défaite du parti est notamment due à l’absence d’enracinement dans la société libyenne. Le parti de la Nation (Hizb al-Watan) présidé par l’islamiste Abdelhakim Belhaj, ancien gouverneur militaire de Tripoli et accessoirement ancien leader du Groupe islamique combattant en Libye (GICL), affilié à al-Qaïda, est également donné perdant. Selon les analystes libyens, les électeurs se seraient essentiellement prononcés en faveur des personnalités qu'ils connaissent… l’idéologie n’étant pas un facteur de distinction. A titre d’exemple, en Libye la quasi-totalité des candidats, y compris les libéraux, se sont prononcés en faveur de l’inscription de la Charia dans la Constitution.
La sécurité en question
Près de 50.000 membres des services de sécurité ont été mobilisés pour l’évènement. Outre les salafistes qui sont par définition contre les élections, les partisans de l’autonomie de l'Est libyen ont multiplié les attaques visant à saboter le scrutin… allant jusqu’à contraindre des terminaux pétroliers à l'arrêt. La région Est du pays, qui a proclamé son autonomie estime que le congrès national libyen ne lui accorderait pas de représentation équitable, cherchant ce faisant à marginaliser la région. Les sièges (ndlr : du congrès national) sont répartis comme suit : 100 sièges pour l'Ouest, 60 pour l'Est et 40 pour le Sud. La sécurité, les velléités d’autonomie ou encore la rédaction de la prochaine constitution…Tels sont les problèmes qu’aura à traiter le Congrès, premier organe légitime de la Libye postrévolutionnaire après la dissolution du Conseil national de transition (CNT) qui devrait intervenir après la publication des résultats des élections.
A.T