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Le gouvernement marocain ouvrira, dès les dernières semaines d’août, la vaccination aux jeunes entre 12 et 17 ans. Les autorités sanitaires souhaitent élargir l’immunité collective à la veille de la rentrée scolaire. Une décision de bon sens, selon les pédiatres.
Dans moins d’un mois, les enfants devront retourner dans les salles de classe ou devant leurs ordinateurs. Une nouvelle année scolaire commence, avec les mêmes interrogations que l’an passé. Va-t-il falloir repousser la rentrée ? Pourra-t-on revenir à une totalité des cours en présentiel ? Comment faire respecter les gestes barrières dans les écoles ?
Face à la recrudescence des cas de coronavirus et la prolifération du variant Delta, le gouvernement marocain veut éviter les pires scénarios à la rentrée scolaire. La vaccination des enfants âgés de 12 à 17 ans sera donc ouverte à la fin du mois d’août avec le vaccin Pfizer. “Pfizer est le vaccin le plus utilisé chez les enfants dans le monde. C’est le vaccin recommandé pour les 12-17 ans, en attendant les résultats des études sur le vaccin Sinopharm”, précise Saïd Afif, membre du Comité scientifique et technique chargé de la vaccination.
Les autorités sanitaires espèrent ainsi gagner plus rapidement une immunité collective de la population.
“Les enfants sont un réservoir pour la circulation du variant. En étant contaminés, ils peuvent faire circuler la maladie d’une personne à une autre et toucher jusqu’à six personnes”, explique Hassan Afilal, pédiatre et président de la Société marocaine de pédiatrie.
Protéger les enfants, c’est aussi protéger leurs parents et grands-parents, plus sujets à des formes graves du coronavirus. Les enfants, eux, sont beaucoup plus épargnés. Mais l’arrivée du variant Delta a quelque peu changé la donne.
*Le Delta, plus virulent chez les plus jeunes
“On a aujourd’hui des enfants qui viennent aux urgences avec des symptômes de troubles digestifs, de vomissements et de fièvre. Quand on les teste, il s’avère qu’ils ont attrapé le coronavirus”, décrit Lamia Karboubi, pédiatre à l’hôpital d’enfants de Rabat.
Elle a remarqué une différence entre la première vague et celle d’aujourd’hui. Les enfants sont beaucoup plus exposés au variant Delta, alors qu’ils étaient asymptomatiques avec la première souche. Même si les symptômes peuvent être rapidement pris en charge et le nombre de cas de réanimation est presque inexistant, les protéger du virus est une priorité pour la pédiatre.
Pire, certains craignent l’arrivée de nouveaux variants face auxquels les enfants réagiraient, une fois encore, différemment. “On n’est sûr de rien. Tous les virus finissent par muter, sera-t-il plus agressif ou va-t-il s’atténuer ?”, s’interroge quant à lui Khalid Bouhmouch, pédiatre. Une incertitude qui ne laisse pas de doutes chez les professionnels : la vaccination chez les enfants est nécessaire.
*Les enfants, “grands oubliés de la crise” ?
Et avec l’incertitude, les inquiétudes montent. La rentrée scolaire est dans moins d’un mois, les vaccins Pfizer arrivent au compte-gouttes et la vaccination ne sera entamée que deux semaines environ avant le retour dans les classes.
“La question aurait dû être posée en juin, là, c’est déjà trop tard ! Les enfants sont les grands oubliés de la crise”, s’indigne Lamia Karboubi. Elle s’inquiète qu’une fois encore les enfants soient mis de côté après des mois de cours en présentiel où leur santé physique et mentale a été mise à mal. “Les enfants ont souffert. Seront-ils encore des dégâts collatéraux ?”, poursuit-elle.
Le nombre de suicides chez les préadolescents a notamment explosé durant cette année de crise sanitaire, selon une étude du CHU Ibn Rochd à Casablanca. Le vaccin est donc prôné comme moyen de protéger les enfants contre la maladie et les effets psychologiques de l’école à distance.
Mais la pédiatre s’inquiète aussi des délais logistiques : “Il faut amener le vaccin Pfizer jusqu’ici et avoir le moyen de le conserver (le vaccin Pfizer se conserve à de très basses températures, contrairement aux vaccins développés par Sinopharm et AstraZeneca, ndlr). Ce sont aussi trois millions d’élèves à vacciner.”
Cela risque de prendre du temps et les enfants seront sûrement les derniers vaccinés. “Si on pouvait déjà atteindre l’immunité collective chez les adultes… Chez les séniors, c’est bon, mais pour les catégories les plus jeunes et notamment les parents, on n’atteint pas les niveaux souhaités”, rappelle-t-elle.
Les pédiatres contactés lancent, à l’unanimité, un appel aux parents. Se faire vacciner pour éviter la propagation du virus dans la société et vacciner leurs enfants est une priorité : “Vous n’avez pas le droit d’être un danger pour la communauté, de diffuser le virus et de tuer des gens et je ne pense pas que le terme soit trop fort”, martèle Hassan Afilal.
(TelQuel)