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Après 13 mois de chaos, le président Michel Aoun a signé un décret nommant un nouveau Premier ministre et un gouvernement d’union.
C’est peut-être la première étape de la reconstruction. Après plus de treize mois d’une ineffable crise politique et économique, le Liban vient finalement de se doter d’un nouveau gouvernement. C’est le président de la République, Michel Aoun, qui l’a annoncé sur Twitter vendredi 10 septembre. Aux côtés de son nouveau Premier ministre Najib Mikati et du chef du Parlement Nabih Berri, le chef de l’exécutif libanais a « signé le décret pour former le nouveau gouvernement ».
La nouvelle équipe devrait se réunir dès lundi 13 septembre, en fin de matinée. Elle est notamment composée de personnalités étrangères à la sphère politique libanaise, très peu appréciée par les habitants. Parmi eux, Firas Abiad, directeur de l’hôpital public Rafic-Hairi, est devenu très populaire pour son implication de premier ordre dans la lutte contre le coronavirus.
*Une crise économique d’une ampleur historique
Le pays était sans nouveau gouvernement depuis la démission du cabinet de Hassan Diab, quelques jours après l’explosion dévastatrice au port de Beyrouth le 4 août 2020, qui avait fait plus de 200 morts et ravagé des quartiers entiers de la capitale. La crise économique inédite que traverse le pays depuis l’été 2019 n’a eu de cesse de s’aggraver, la Banque mondiale la qualifiant d’une des pires au monde depuis 1850. Avec une inflation galopante et des licenciements massifs, 78 % de la population libanaise vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, selon l’ONU.
Chute libre de la monnaie locale, restrictions bancaires inédites, levée progressive des subventions, pénuries de carburant et de médicaments, le pays est aussi plongé dans le noir depuis plusieurs mois, les coupures de courant culminant jusqu’à plus de 22 heures quotidiennement. Les générateurs de quartier, qui prennent généralement le relais, rationnent aussi foyers, commerces et institutions, faute de fioul suffisant, devenu cher et monnaie rare dans un pays à court de devises étrangères et en pleine levée des subventions sur plusieurs produits de base.
*Défis
De nombreux défis attendent ainsi le prochain gouvernement, notamment la conclusion d’un accord avec le Fonds monétaire international, avec lequel les pourparlers sont interrompus depuis juillet 2020. Il s’agit pour la communauté internationale d’une étape incontournable pour sortir le Liban de la crise et débloquer d’autres aides substantielles. Depuis plus d’un an, la communauté internationale conditionne son aide à la formation d’un gouvernement capable de lutter contre la corruption et de mener des réformes indispensables. Elle s’est contentée depuis l’explosion de fournir une aide humanitaire d’urgence, sans passer par les institutions officielles.
Fin juillet, M. Aoun avait chargé Najib Mikati, ancien Premier ministre et homme le plus riche du pays, de former un nouveau gouvernement après l’échec de ses deux prédécesseurs. L’ancien Premier ministre Saad Hariri avait jeté l’éponge à la mi-juillet au terme de neuf mois de difficiles tractations. Après sa démission, il avait accusé l’Iran, principal soutien du Hezbollah, d’« entraver » l’accouchement d’un gouvernement réformateur. Avant lui, l’ambassadeur Moustafa Adib avait également rendu son tablier.
Malgré les menaces de sanctions de l’Union européenne (UE), les avertissements et les accusations « d’obstruction organisée » ces derniers mois, les dirigeants politiques libanais ont poursuivi leurs habituels marchandages. Début août, le président français, Emmanuel Macron, qui suit de près le dossier libanais, avait alors accusé la classe dirigeante, largement honnie par la rue et ayant survécu à un soulèvement populaire à l’automne 2019, de faire « le pari du pourrissement ».
(Le Point, avec AFP)