Il est nécessaire de penser à faire le point sur le secteur de l’artisanat au moins une fois par an, à l’occasion de la Journée nationale qui lui est dédiée. Ce n’est un secret pour personne que l’artisanat tunisien est à l’agonie et les multiples visages de cette mort lente mais sûre sont visibles à l’œil nu. Pire, les remèdes sont connus mais les pouvoirs exécutif et législatif confondus, se font tirer l’oreille pour passer à la prise de décision et encore moins à l’action.
Un certain nombre de boutiques de vente d’articles d’artisanat ont déjà fermé leurs portes faute de clientèle. Cela est visible à Sidi Bou Saïd, puisque les croisières ne viennent plus en Tunisie. Dans les souks de Tunis, Sousse et Hammamet puisque les touristes européens boudent notre pays. C’est le cas aussi à Tozeur et Nefta où le tourisme saharien se meurt depuis quatre ans malgré les festivals.
Les boutiques restées ouvertes ont depuis longtemps congédié leurs employés, étant dans l’incapacité d’honorer leurs engagements : crédits à rembourser, paiement des loyers, frais divers,…
Les artisans qui disposent d’un savoir-faire ancestral et d’un patrimoine artisanal cherchent à survivre en trouvant peut-être du travail dans le commerce parallèle avec des revenus précaires et incertains et des situations sociales instables.
Il y a lieu de remarquer à ce propos que l’ampleur sans précédent prise par la contrebande portant sur des articles bas de gamme et à bas prix qui connaîssent un certain succès auprès de la clientèle vient enfoncer le clou en détournant la clientèle locale du produit artisanal national dont la qualité et le prix ne peuvent soutenir la concurrence.
Par voie de conséquence, les ateliers de production artisanale : tapis, poterie, cuivre ciselé, sculpture sur bois,… plient sous le poids des stocks invendus et des dettes vis-à-vis des fournisseurs de matières premières.
De quoi souffre le secteur sur le plan structurel en plus des difficultés conjoncturelles ?
Selon Salah Amamou, président de la fédération UTICA du secteur, il y a le surendettement des artisans suite aux difficultés commerciales, ce qui empêche le réapprovisionnement et la poursuite des activités. Il y a la disparition depuis 2008 de la SOCOPA qui assurait la commercialisation des produits d’artisanat ainsi que l’approvisionnement en matières premières, c’est une erreur fondamentale et une décision précipitée, car si l’entreprise avait des difficultés financières, il fallait changer de gouvernance ou de management et non remettre en question la fonction ou le principe.
Il y a également la fiscalité lourde qui pèse sur les artisans avec des pénalités difficiles à assumer.
Le déficit de formation pèse sur l’avenir du secteur puisque les centres de formation artisanale, anciennement sous la tutelle de l’Office, ont été transférés à l’Agence de la formation professionnelle et n’ont pas réussi à assumer leur rôle pour diverses raisons.
Il y a les mesures urgentes à prendre pour sauver ce qui peut être sauvé dans un secteur aux abois et les décisions stratégiques nécessaires pour assurer des perspectives florissantes sinon décentes au secteur.
Les 30.000 artisans dont les créances sont carbonisées et atteignent 30 MD à raison de 1000 D par artisan doivent bénéficier d’un abandon financé par l’Etat, afin de leur restituer leur capacité de s’endetter pour produire de nouveau.
Un moratoire fiscal s’impose également dans le même esprit. Un processus de relance du système de formation artisanale s’impose si nous voulons favoriser le transfert du savoir-faire d’une génération à l’autre, promouvoir la qualité de nos produits ainsi que la création et l’innovation en la matière.
La création d’une société d’économie mixte s’impose pour assurer la commercialisation et l’exportation des produits d’artisanat mais aussi veiller sur l’approvisionnement des artisans en matières premières par des importations opportunes.
En effet, les artisans n’ont pas les moyens pour exporter, stocker, faire du marketing, ouvrir des points de vente partout et organiser des expositions.
Le secteur de l’artisanat n’a pas encore bénéficié des mesures exceptionnelles décidées par l’Etat, suite aux attentats terroristes, pour venir au secours du secteur touristique : hôtels, agences de voyage et secteur artisanal.
Nous ne devons jamais perdre de vue les aspects suivants : l’artisanat emploie 350 mille personnes, il pourrait créer 7000 emplois supplémentaires chaque année et qu’il contribue pour 4% au PIB.
Les exportations d’articles d’artisanats ont atteint quand même 10 millions de dinars en 2015.