Ce sera la deuxième réunion arabe au sommet après le déclenchement de la guerre contre Gaza par l’entité sioniste en réaction au « Déluge d’Al Aqsa », l’attaque menée par la résistance palestinienne le 7 octobre 2023. Il s’agit de la 33e session ordinaire du Sommet de la Ligue arabe qui a été convoquée pour le 16 mai courant à Manama, capitale du Bahreïn, six mois après un précédent Sommet arabe d’urgence tenu conjointement avec l’Organisation de la coopération islamique, à Ryadh, le 11 novembre 2023, un mois après le déclenchement de la guerre à Gaza.
Ce Sommet d’urgence, plutôt tardif, s’était achevé sur une condamnation des actions « barbares » des forces sionistes mais les pays arabes se sont abstenus d’annoncer des sanctions économiques et/ou politiques à l’encontre d’Israël, à la grande déception de l’opinion arabe. Cette rencontre avait, alors, mis en évidence les divisions entre les pays de la région quant à la manière d’agir face à la folie meurtrière d’Israël, sur fond de craintes d’une expansion du conflit et d’un embrasement de la région.
Après sept mois d’une guerre qui a pris la dimension et la forme d’un génocide contre la population de Gaza, exacerbant la colère mondiale, populaire et estudiantine et étendant les territoires des manifestations propalestiniennes dans le monde, essentiellement occidental, les dirigeants arabes se réunissent à Manama cette semaine. Il s’agit d’une session ordinaire, donc, rien d’urgent, contrairement à ce qu’on aurait pu soupçonner après que l’Egypte eut annoncé vouloir s’associer à l’Afrique du Sud pour saisir la Cour internationale de justice contre Israël en raison de l’augmentation de la gravité de la situation à Gaza, tandis que les frappes et les opérations au sol israéliennes ne connaissent aucun répit. Il n’y a, donc, pas de chance que le rêve caressé par des millions d’Arabes et de musulmans, sans compter les autres citoyens du monde sensibles à ce qui se passe à Gaza, se transforme en réalité, celui de prendre des mesures punitives à l’encontre d’Israël jusqu’au cessez-le-feu et jusqu’à ce que l’entité sioniste accepte la solution à deux Etats et l’application des résolutions de l’ONU sur la question palestinienne.
A moins d’une surprise. Cent quarante-trois pays membres de l’ONU (sur 193) ont voté en faveur de la Palestine pour devenir membre à part entière des Nations unies. Plusieurs pays, occidentaux en l’occurrence, ont déclaré se préparer à reconnaître un Etat palestinien. Et d’autres ont décidé de suspendre ou de rompre leurs relations diplomatiques ou commerciales avec Israël jusqu’à la résolution de la question palestinienne ou au moins, jusqu’au cessez-le-feu définitif.
La Palestine n’est pas seule, elle a des amis et des soutiens dans le monde. Même les communautés estudiantines américaine, britannique et européenne la soutiennent désormais. Les étudiants des plus illustres universités américaines, mobilisés depuis plusieurs semaines, secouant l’Amérique au rythme des « free, free Palestine », ont exigé de leurs universités de rompre tout lien scientifique avec les Universités israéliennes et de suspendre les travaux de recherches technologiques destinés à l’armée israélienne. Pas moins que ça ! Pourtant, certains établissements US et britanniques ont répondu favorablement aux doléances de leurs étudiants. C’est dire que la victoire est toujours du côté de la défense des causes justes avec détermination. Alors, on ose espérer un sursaut des dirigeants arabes et des décisions courageuses et intelligentes (bien étudiées) de leur part pour apporter à Gaza le soutien qui lui est dû et se réconcilier avec les peuples arabes tout en préservant la paix, la sécurité et la stabilité de la région arabe.
En attendant, à l’ordre du jour du Sommet, l’action arabe commune dans toutes ses dimensions, notamment économique, sociale, éducation-formation, technologique, politique, géopolitique et sécuritaire. Mais la question palestinienne demeure au cœur des préoccupations et s’impose comme un thème central de ce sommet eu égard à l’urgence de la situation gravissime au Proche-Orient et à l’incapacité des belligérants et de la communauté internationale à s’entendre sur un cessez-le-feu durable et à l’imposer.
Il est prévu d’examiner, entre autres dossiers importants, l’état d’avancement du projet d’établissement de la Zone de libre-échange arabe et de l’Union douanière arabe. Une nouvelle qui vaut de l’or en ces temps difficiles où le monde est en pleine reconfiguration des rapports de force entre les puissances regroupées en blocs régionaux ou continentaux.
Au programme du Sommet, également, des discussions sur le plan de gestion d’urgence des répercussions économiques et sociales de la guerre israélienne à Gaza. Dans le cadre des préparatifs du 33e Sommet, lors de la réunion du Conseil économique et social au niveau ministériel, le ministre de l’Economie palestinien a donné un aperçu sur les pertes et dommages palestiniens : plus de 100 mille tués et blessés, 75% de la population déplacés, 85% des hôpitaux et des centres de santé détruits, systèmes d’eau et d’assainissement effondrés, 92% des routes bloqués, infrastructure de télécommunication détériorée et processus éducatif stoppé. Les estimations de la Banque mondiale se chiffrent à 18,5 milliards de dollars en bâtiments et installations pour les quatre premiers mois de la guerre seulement, soit 97% du PIB total de Cisjordanie occupée et de Gaza réunies en 2022.
Le Sommet de Manama s’attardera-t-il de manière prématurée sur la reconstruction de Gaza, un des sujets des négociations indirectes entre Hamas et Israël ? Selon des déclarations de responsables américains, quelques pays arabes auraient déjà répondu favorablement à la demande de participation à la reconstruction de Gaza. L’occasion est précieuse aussi pour les peuples arabes d’aider Gaza à renaître de ses décombres, à reprendre son souffle et de remédier, ainsi, à la frustration qu’ils ont ressentie pendant les longs mois de guerre et d’embargo imposé par Israël.