Un an après la tragédie provoquée par l’attaque terroriste du musée du Bardo, la Tunisie reste dans le collimateur des groupes djihadistes qui, profitant du chaos qui sévit en Libye et de la porosité des frontières sud, jouent leur va-tout pour faire capoter le processus démocratique et les fondements de l’Etat civil.
Un an après, la menace est devenue rémanente et le rayon d’actions des groupes terroristes s’est considérablement étendu. On avait cru que ce qui s’était passé au musée du Bardo était peut-être le dernier coup d’éclat que les terroristes, partout traqués, avaient tenté de jouer, mais on a vite déchanté. Le pays a connu, durant 2015 et au début 2016, une recrudescence inquiétante d’attaques terroristes qui ont ciblé au départ des touristes, puis de plus en plus les agents de sécurité et les citoyens. Malgré le démantèlement de nombreuses cellules dormantes ou actives, la découverte de nombreuses caches d’armes, l’empêchement de nombreuses opérations d’envergure à la faveur d’opérations d’anticipation vigoureuses et d’une plus grande efficacité au niveau du renseignement, le pays n’a pas réussi à éviter les attentats de Sousse en juin dernier et de Tunis le 24 novembre 2015.
L’échec cuisant subi par les terroristes à Ben Guerdane, le 7 mars dernier, nous a réconfortés, redonnés confiance et espoir, et a suscité une union sacrée de tous les Tunisiens. Il nous a permis, en même temps, de mesurer l’ampleur de l’effort qui reste à accomplir, des sacrifices à consentir, de la mobilisation à assurer et des priorités à définir, pour que cette guerre qui s’annonce longue, coûteuse et éprouvante, aboutisse à l’extirpation de ce mal à la racine.
Plus que de toute autre chose, c’est une conscience qu’il faut renforcer chez les Tunisiens, de l’impératif de rester unis, solidaires et résolus à consentir tous les moyens pour préserver leur modèle social et faire avancer la construction de leur démocratie qu’on a le plus besoin pour vaincre la barbarie qui nous menace. Cette conscience ne doit pas être de circonstance, ses effets ne doivent pas s’estomper dès que l’on est gagné par l’oubli et la gestion du quotidien. Elle est un engagement, une mobilisation et une expression forte de rejet d’un projet destructeur de l’ordre social et des valeurs que partagent les Tunisiens dans leur quasi majorité.
Pour que nos forces armées et de sécurité parviennent à faire de nouvelles conquêtes et que leurs actions sur le terrain soient plus efficaces, l’union sacrée des Tunisiens ne doit pas faiblir par la résurgence des vieux démons de la division de la classe politique, des revendications sociales excessives et de la paralysie de l’activité économique. Tout en faisant face à des défis sécuritaires sans précédent, notre pays fait face à des difficultés économiques et sociales très graves qui ne peuvent être surmontées que par une prédisposition au dialogue responsable et à la recherche du compromis. Dans l’état actuel des choses, il n’existe plus aucune autre piste à sonder pour sauver notre pays d’une dérive qui risque cette fois-ci d’être fatale.
Soixante après l’indépendance de la Tunisie, un sentiment d’inachevé domine. Toutes les grandes questions qui faisaient, dès les premiers jours de l’accession du pays à l’indépendance l’objet d’un consensus, à savoir l’unité et la cohésion nationales, le prestige de l’Etat, le respect de la loi, le rôle et la place de la femme dans la société, la place de la jeunesse et des régions, se trouvent à nouveau posées avec insistance. Ce qui inquiète le plus dans la phase actuelle que traverse le pays, c’est la confusion que certaines parties tentent d’entretenir pour affaiblir davantage le rôle de l’Etat et des institutions, blanchir sous de faux alibis le terrorisme, raviver les tensions sociales et régionalistes et prendre l’économie du pays en otage.
Soixante après, l’on se demande à qui profite un Etat faible, une sécurité chancelante, une économie sous perfusion et une situation sociale explosive ? Incontestablement, cela ne sert aucunement les intérêts véritables des Tunisiens, ni leurs aspirations pour la liberté et la dignité et encore moins leurs attentes légitimes pour une vie meilleure. La responsabilité de l’extrême fragilité sécuritaire, politique, économique et sociale de la Tunisie nous incombe à tous et il revient à tous les Tunisiens de tirer les bons enseignements, assumer leurs devoirs pour sauver la seule expérience aboutie dans une région qui connaît de fortes turbulences.