Alors que partout ailleurs elle annonce le retour au travail et la fin de la récréation, la rentrée chez nous est synonyme d’attentisme, de polémiques stériles et de crainte d’un avenir peu certain. L’essentiel est constamment repoussé et tous les yeux restent braqués sur l’accessoire, sur ce qui divise le plus et qui ravive tensions et appréhensions.
En témoignent, le retard pris par le remaniement ministériel qui oblige le gouvernement à perdre encore du temps pour obtenir la confiance des élus, invités à la hâte à interrompre leur longue vacance estivale et, enfin, l’absence de signal annonciateur de la prise du gouvernement des commandes pour débloquer des élections municipales entourées d’incertitudes, mettre en œuvre des réformes économiques essentielles et faire face à des demandes sociales de plus en plus vives
Le remaniement opéré la semaine dernière par Youssef Chahed, après de longs mois d’attente et de pénibles arbitrages, a mis un terme à un long suspens et surtout à des marchandages partisans qui reflètent la qualité du jeu politique dans une démocratie encore fragile où chaque partie cherche avant tout à obtenir sa part du gâteau et à dominer la vie politique. Au bout d’un suspens ennuyeux, Youssef Chahed a réussi, quand même, à ménager la chèvre et le chou. Toutes les parties signataires de l’accord de Carthage s’en sont sorties à bon compte. A la faveur d’un jeu d’équilibrisme savamment maîtrisé la redistribution des cartes n’a désavantagé personne. La preuve, le gouvernement Chahed 2 est assuré dès l’annonce de sa composition de bénéficier d’un soutien confortable à l’ARP, aussi bien de Nidaa Tounes, d’Ennahdha que des autres petites formations.
Pour ce gouvernement de guerre, comme Youssef Chahed s’est empressé de le qualifier, le plus dur commence. Il va falloir que la nouvelle équipe fasse montre d’une plus grande solidarité et détermination pour donner le bon ton et d’une capacité pour abattre un travail à la fois difficile et délicat. Il faut attendre, observer et prier.
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Plus la date du 17 décembre approche, plus le doute sur la tenue des Municipales s’accroît. Outre les motifs invoqués à juste titre, de non adoption par l’ARP du code des collectivités locales, la vacance non comblée à temps à la tête de l’ISIE par le mauvais calcul politicien de certaines parties et la non mise en place de tribunaux régionaux, il y a anguille sous roche derrière le renforcement du camp de ceux qui appellent pour le report. La mobilisation de ces derniers semble être dictée par leur crainte du verdict des urnes que pour des considérations de principe. Apercevant qu’ils ont été rattrapés par le temps et ne réussissant pas à se préparer convenablement, ils ont préféré semer le doute dans l’espoir d’organiser leurs rangs et de renforcer leurs assises dans les régions.Dans tous les cas de figure, même s’ils réussissent à ajourner cette échéance de trois ou quatre mois, ils ne parviendront pas à changer la donne ni à remettre en cause le poids des forces en compétition. Tout le monde en convient que ces élections sont taillées sur mesure et que les deux grands partis politiques, à savoir Nidaa Tounes et Ennahdha, auront la majorité des prochains conseils municipaux élus sous leur contrôle. Même s’il y aura un fort taux d’abstention, notamment des jeunes que la vie politique du pays, ponctuée de coups bas et de calculs malsains, n’emballe pas, le résultat est connu d’avance.
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Depuis l’appel lancé par le président de la République, le 13 août dernier, pour établir l’égalité dans l’héritage ainsi que la levée de l’interdiction du mariage de la femme tunisienne avec un non-musulman, les deux Cheikhs, Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi se livrent à une partie de ping pong d’une grande subtilité. Sans verser dans une guerre frontale, ils ont utilisé tous les moyens pour que chacun déstabilise l’autre, le pousse à ses derniers retranchements, l’embarrasse, tout en évitant tout risque qui peut conduire à la rupture de leur alliance. Le tout est de savoir si les deux vont s’arrêter à ces escarmouches ou que par le jeu de pressions qui pèse sur le dos de chacun, pourrait les amener à franchir le Rubicon et mettre un terme à une entente jugée nécessaire même si elle est peu cordiale. Ce qui est sûr pour l’instant, c’est que la petite phrase de Béji Caïd Essebsi « on a fait une fausse évaluation et que l’alliance n’a pas permis de ramener Ennahdha au club des partis civils», exprime plus un dépit que la fin d’une partie.